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126 ÉLOGE DE LOUIS-GABRIEL SUCHET. ii la force la prudence qui fait réussir la force, et la justice qui l'honore. Ayant commencé sa conquête par l'énergie , il voulut l'achever par la modération. 11 s'occupa dès-lors à diminuer les malheurs de la guerre par de sages mesures, à dissiper les factions, à réunir les esprits, prescrivant à ses victorieuses phalanges d'épargner les populations, de se con- former aux coutumes du pays, de respecter toujours les usages de ce peuple, et de ne blesser en aucune manière le sentiment national. Lui-même savait respecter les préjugés autant que le peut faire un homme dont l'esprit est au-dessus des pré- jugés, car il voulait que les Français, au lieu d'éloigner les Espagnols, les rapprochassent de la France. Tranquille alors, il put tourner ses soins du côté de l'admiiiistration. Il gou- verna ce pays avec douceur et sagesse. C'est ainsi que, dès son arrivée sur le territoire de Valence ou d'Aragon, son premier soin avait été d'instituer une com- mission de gouvernement composée des hommes les plus éclai- rés et les plus recommandables. Des députés, des chapitres, des propriétaires, des négociants,des hommes de loi avaient été rassemblés pour répartir et voter avec soin les taxes de guerre, de l'emploi desquelles il leur était rendu un compte fidèle et détaillé, avant que de nouvelles charges fussent imposées. Il fit rentrer un peu Tordre dans les finances. Aux vieilles institutions tombées depuis longtemps en dé- suétude, avait succédé un absolutisme étouffant, capricieux , fanatique, n'ayant d'initiative, dans ce malheureux pays, que pour la destruction : l'industrie , le commerce , l'agriculture n'avaient pu résister à une suite de mesures fausses et inin- telligentes , ou à une organisation vicieuse de la propriété ; les ressorts moraux étant brisés, les ressorts matériels se dé- tendaient à leur tour; le mouvement de la vie était arrêté; partout c'étaient l'impuissance, la faiblesse, l'inaction , l'im- mobilité de la mort.