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                          PÉLOPONÈSE.                           65
dait quelques moutons et tenait un tout petit enfant. Quand
celui-ci semblait vouloir dormir, elle le berçait sur ses ge-
noux en lui chantant un refrain populaire ; s'il se réveillait,
elle découvrait aussitôt, pour l'apaiser, ses mamelles bru-
nies par le soleil. Touchante attitude , tendresse simple et
profonde qui me rappela, par un contraste singulier, ce qu'é-
taient autrefois les mères de Lacédémone, en me laissant voir ce
qu'elles sont aujourd'hui ! celles-ci, se livrant avec abandon aux
tendres sentiments qu'inspirent à leur cœur la Providence et la
nature ; celles-là, se glorifiant d'un stoïcisme et d'une insensi-
bilité farouches qui recelaient plus d'orgueil que de véritable
grandeur. Sentiments faux et outrés qui peuvent bien exercer
un instant de prestige sur l'esprit des hommes, mais ne se
transmettent jamais aux générations suivantes et meurent
avec la société qui les accepta ! Il existe de nombreuses analo-
gies entre les lois de Lycurgue et les doctrines de Luther et de
Calvin. Législateurs et réformateurs ont chacun, en leur temps,
éprouvé les mêmes indignations et les mêmes passions, avec
cette différence qu'il y avait chez les premiers toute la grandeur
d'âme particulière à l'antiquité et chez les autres toutes les hai-
nes, toutes les rancunes et tous les instincts mauvais d'une civi-
lisation qui commence à se corrompre. Les uns et les autres ont
poussé l'austérité dans leurs réformes jusqu'à l'intolérance et au
fanatisme, et l'orgueil jusqu'aux dernières limites où il peut at-
teindre. Les disciples de Luther sont frères de ceux de Lycurgue,
 et l'on peut dire en quelque sorte que les Spartiates étaient les
 Huguenots du Paganisme.
   La vallée de Sparte , qu'on embrasse dans toute son étendue
du haut de la plate-forme dont je parlais tout-à-l'heure, est l'une
des plus belles et des plus riches de la Grèce. Sa merveilleuse
beauté et le charme pénétrant qu'elle exerce sur l'imagination
tiennent peut-être au contraste qu'elle offre entre ses diverses
parties. Au levant, plus bas que le mont Olympe, sont les col-
lines du Ménélaïon, les unes couvertes d'arbres, les autres ta-
pissées de verdoyantes prairies ; les cavités naturelles qui les sé-
parent faisaient dire à Homère la profonde Lacédémone. Elles se
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