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                  ÉLOGE DE LOUIS-GABRIEL SUCHET.                            43

avait choisi pour première victime la plus noble, la plus au-
guste. Le souvenir glorieux de tant de siècles de monarchie
ne s'était pas encore effacé des cœurs (1).
   La Terreur avait éclaté alors ; on se demandait si la der-
nière heure de la civilisation était venue. Les Français, hom-
mes, femmes et enfants, montraient qu'ils savaient mourir
pour leurs croyances, pour leurs droits. La Révolution, après
avoir dévoré tous ceux qui avaient espéré la dominer, cessa,
et la chute de la Terreur avec elle. Généraux, officiers et
soldats applaudirent au renversement d'un régime qu'ils
abhorraient ; d'un régime qui les avait laissés dans le dé-
nûment, et qui exigeait le succès sans tenir compte du nom-
bre des victimes ; d'un régime qui avait si souvent brisé la
victoire entre leurs mains, et qui exposait aux chances de l'é-
chafaud tous ceux qu'il condamnait à l'avancement. L'armée
à celte époque était républicaine, parce que la République
s'était identifiée à ses yeux avec la passion de l'indépendance
nalionalc, comme plus lard Napoléon fut son idole, parce

    (1) La mort de Louis XVI jetait la France dans une situation où, de
 toute nécessité, beaucoup de sang devait couler. Un souverain est le sym-
 bole sacré de tout l'ordre social. Le jour où l'on a pu y attenter, c'est
 qu'une sorte de délire a dissout la société, et aucune vie n'a plus la sau-
vegarde de la justice et de l'humanité. De là vient qu'au souvenir de
Louis XVI se réunit et se confond le souvenir de cette foule de victimes
 sacrifiées par la Révolution. Leur mort se rattache à la sienne, et il se pré-
 sente à notre imagination comme le chef de cette légion de martyrs qui
 ont péri dans les mauvais jours. Le culte rendu à sa mémoire embrasse et
consacre le culte que tant de familles doivent aux parents que l'échafaud
leur a ravis. C'est un deuil à la fois national et domestique.
    Ces sentiments de vénération ne tardèrent pas à se manifester. Dès que
le glaive de la Terreur fut brisé, dès qu'on put se reconnaître et se parler,
il y eut un accord unanime sur celte fatale journée. La mort du roi était
une parole qu'on ne prononçait qu'avec tristesse et respect. Son image, son,
testament se voyaient jusque dans la demeure du pauvre.