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                  LA « MARSEILLAISE » DE MAZOYER                   409

tieux qui couraient sus aux places, les dévoyés, les turbulents et
surtout les utopistes, qui rêvaient les plus imprudents systèmes, les
plus folles impossibilités. Chacun offrait sa panacée, mais le bien-être
ne s'améliorait pas.
    Etudier de près une Révolution, chose facile quand on est riche,
devient dangereux quand on cherche une position. Comme Paris,
Lyon traversait une crise fatale. Guerre civile, manque de travail,
agitation dans les esprits, tout se réunissait pour jeter sur le pavé
une foule de gens capables et intelligents. Mazoyer parut un instant
comme professeur, au pensionnat de l'Enfance, à la Croix-Rousse,
mais il ne s'y arrêta pas. Il écrivit au Ministre pour solliciter une
place dans l'enseignement, si humble fût-elle. On.ne lui répondit
pas. A bout de ressources, pris de découragement, suffisamment
éclairé sur ce qu'est une grande ville en temps de révolution et
regrettant, sans doute, les festins somptueux de la ville dauphinoise,
il entra, dès 1831, lui, bachelier es lettres, lui qui avait rêvé la
réputation et la fortune, dans la petite et modeste imprimerie Barret,
comme ouvrier compositeur.
   Etait-ce bien comme compositeur? C'est lui qui le dit; mais il
fallait, alors, qu'il se fût occupé de typographie dans sa jeunesse,
car l'apprentissage de cet art est long, et ce n'est pas à trente ans
qu'on peut apprendre à lever fructueusement la lettre.
  :Nous croyons plutôt qu'il fut admis dans cette imprimerie comme
correcteur, et qu'il put, de suite, à peu près gagner sa vie, quoique,
dans un de ses écrits daté de 1838, il dise avec une mélancolie
profonde :
   «Depuis 1831, je suis sans place, forcé de lever journellement
la lettre des cassetins pour vivoter, mais ayant une entière et pleine
conviction que je ne tarderai pas à être réintégré dans mes droits,
Magnctfeliciorutnmeconfortât dierum spes. »
   S'il demandait à être réintégré dans une place, il n'en était donc
pas sorti volontairement ? Ce mot expliquerait son départ de Saint-
Vallier et sa venue à Lyon. Quant à ses espérances et à ses illusions,
elles ne devaient jamais se réaliser. Le pauvre poète ne quitta plus
la typographie.