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            LA « SEMAINE » DE CHRISTOPHLE DE GAMON                       I93

  Mais l'homme était seul, et s'eilnuyait, malgré les délices de l'Eden.
Dieu lui donne une compagne. Pour cela, après l'avoir endormi,

            Il luy tyre une coste, et de subtiles mains
            En bastit, tout puissant, l'ayeule des humains.
            L'art du facteur moulant la première des femmes
            Voulut partir le corps pour conjoindre les âmes.
           Il fit d'un cœur deux cœurs, afin que mesme ardeur
            Suivant l'estre premier fist de deux cœurs un cœur.
           L'homme, voyant, ravi, sur la terre parente
           Le paradoxe acroist de sa coste vivante :
           « Voicy chair de ma chair. Voicy, » dit-il, « vrayment,
           Pour arrester ma veue, un capable argument,
           Non tant d'autres objets dont j'avoy la puissance
           Mais non pas le plaisir, pauvre dans l'abondance,
           Seul dans la multitude. Ores, d'amour espoînt,
           Séparé de mon membre, un philtre m'y conjoint.
           Ores mon Å“il, ravi, regarde un Å“il semblable,
           Et plus ne m'est désert ce lieu tant délectable. »
           Cette unique beauté l'homme unique attirant,
           Cette fleur fraich'esclose au parterre odorant,
           Second honneur d'Eden, du lys la nége efface,
           Des respirants œillets vainc l'odeur et la grâce,
           A le ris sur la bouche, en ses yeux les douceurs,
           En son sein pommelu deux petites grosseurs,
           Est plus droite qu'un cèdre, aymable davantage
           Que l'hyvernal soleil, que l'estival ombrage,
           Plus tendrette qu'un fan et plus gaye cent fois
           Qu'un léger bicheteau bressant parmi les bois.

  Tout le monde admirera ces beaux vers, qui peignent si bien la
beauté et la candeur de la première femme et le ravissement que sa
vue fit éprouver au premier homme.
  Voici comment du Bartas avait déjà traité le même sujet :

           L'homme unique n'a point si tost jette son Å“il
           Sur les douces beautez de sa moitié nouvelle,
           Qu'il la baise, l'embrasse, et haut et clair l'appelle          ,
           Sa vie, son amour, ssn apuy, son repos
           Et la chair de sa chair et les os de ses os.
         K» 57. — Septembre 1885.                                   I?