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       LA VIE ET LES OPINIONS DE CHR1STOPHLE DE GAMON               I3I

des philosophes, qui n'est autre chose que l'esprit du monde devenu
un corps au centre de la terre... »
   La philosophie hermétique ne nous révèle pas seulement les plus
hauts secrets de la création. Elle éclaire d'une façon assez inatten-
due l'ancienne mythologie grecque, et l'un des plus curieux passages
du commentaire de Linthaut est certainement celui où il énumère
une foule de faits divins et héroïques, comme étant simplement les
voiles allégoriques dont s'enveloppaient les antiques chercheurs de
la pierre philosophale.-
   Car Gamon et lui croient sincèrement à la pierre philosophale et
même à Telixir de longue vie. Le poète ne s'explique pas sans cela
la vie séculaire des anciens patriarches. Il est vrai que cette croyance
est mitigée par bon nombre de restrictions qui excusent d'avance
tous les insuccès. « Avant que vouloir apprendre médicamenter les
malades et imparfaits, » dit Linthaut, « soyez diligents de vous regé-
nérer vous-mêmes, et de puizer cette science de la source de toute
sagesse, qui seule la fait découler sur qui bon luy semble. Cerchez
la, pour vous baigner en l'admiration des merveilles de Dieu et des
opérations de la nature, laquelle est son image, comme dit Hermès
trois fois grand en son cantique. Vous procurerez sa gloire et non la
vostre laquelle est nulle. Ainsi vous commencerez ce voyage, afin
d'en rapporter de l'assistance aux nécessiteux et du soulagement pour
les malades... »
   Gamon, de son côté, tonne contre les alchimistes, qu'il traite de
larrons, ignorants et sophistes, et contre lesquels il formule les voeux
les moins charitables. Puis il ajoute:
            Si ne faut-il pourtant, ô vous à qui les cieux
            Ont daigné d'eslargir ce trésor précieux,
            Estimer que de soy l'humaine créature
            Puisse jamais savoir ce secret de Nature ;
            Car Dieu l'a révélé pour monstrer aux mortels
            Combien plus seront beaux les biens spirituels !
            Que si vous l'employez à nourrir vostre vice,
            Ou, pareils à Midas, estes noirs d'avarice,
            Estans riches de biens et pauvres de raison,
            Vous aurez le corps sain, l'ame sans guerison.