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102 LA REVUE LYONNAISE dances et la direction du jeune artiste qui fut bientôt regardé comme sans rival dans son art. Saint-Jean, apprécie de son chef qui lui devait un élan marqué dans le succès de ses affaires, pouvait prétendre à la fortune, à une fortune prompte et assurée, quand, au bout de deux ans, une maladie sérieuse vint l'arrêter. L'excès du travail avait ruiné sa constitution. Les médecins s'alarmèrent, et déclarèrent sans ménagement à la pauvre mère que son fils était perdu, s'il ne prenait l'air de la cam- pagne dans un repos absolu et complet. Cet avis était un ordre. Sans hésiter, la vaillante mère vendit son industrie, liquida ses affaires et vint s'établir avec ses enfants à Millery, chez son frère, M. Pothin, qui reçut les Lyonnais avec la plus tendre affection. Le grand air, le repos et les soins sauvèrent le jeune artiste qui sentit renaître, avec ses forces, et plus invinciblement que jamais, sa passion pour la peinture et le grand art. Avec des précautions infinies, le pauvre convalescent revint à ses pinceaux, et c'est à la nature, à cette bonne et grande nature, à la campagne, la meilleure des institutrices et des maîtresses, qu'il demanda les leçons dont il avait besoin. Les vieillards s'en souviennent. Faible et pâle, il allait de jardins en jardins, de clos en clos, demander et cueillir des fleurs. Il admi- rait les beaux fruits de cette commune privilégiée que les pays voi- sins envient et jalousent. De longues heures, il parcourait les vigno- bles de Millery, examinant, dessinant le raisin clair, transparent et vermeil, ou la feuille de vigne dont le dessin et la couleur lui parais- saient dignes de son pinceau. Jamais content de son travail, jamais satisfait de son modèle, il apportait chez lui des gerbes de plantes et de fleurs qu'il étudiait avec soin, qu'il reproduisait avec énergie, persévérance, amour. Puis il reprenait ses courses, ses recherches, ses études, espérant trouver mieux; comptant le lendemain décou- vrir plus beau que la veille; espérant surtout, à chaque coup de son magique pinceau, approcher mieux du coloris, du velouté, du dessin et de la forme parfaite qu'il avait sous les yeux. On lui a reproché la beauté de ses fruits, l'éclat de ses fleurs, des formes idéales qu'on prétendait plutôt prises dans son imagination