Pour une meilleure navigation sur le site, activez javascript.
page suivante »
               ALEXIS ROUSSET, SA VIE ET SES Å’UVRES                     31

 reries de sa destinée, lorsqu'un jour on vint le prendre tout étonné,
 et on le conduisit à Lyon, au pensionnat du Verbe Incarné, tenu
 alors par M. Raymond, à la montée du Gourguillon.
    Un malheur venait de frapper le pauvre enfant ; malheur immé-
 rité, comme souvent il arrive. Son père avait pris la fuite, en lui
 laissant, pour tout héritage, un nom humilié et un avenir perdu.
 A son départ, il l'avait confié au dévouement de la famille Genod,
 dont le fils devint son ami, et aux soins de M. Raymond, qui lui
 donna cette première éducation nécessaire à tout homme qui veut
 faire son chemin, et le plaça, très jeune encore, dans une maison
 de commerce, comme simple employé. Quanta sa mère, qui, dit-on,
 ne le perdit jamais de vue, elle ne pouvait rien pour lui ouvertement.
Il avait perdu ses caresses et peut-être, alors, ignorait-il qu'elle fût
si près de lui.
    A cette rude vie, son intelligence active se développa et se fortifia
 au-delà des limites ordinaires. Son pauvre cœur n'ayant ni père
ni mère à aimer, se fourvoya souvent; mais son caractère se
trempa, et il eut bientôt conquis toute la confiance et les faveurs
 de la maison qui l'occupait.
    La Restauration ne fit point un soldat de ce beau et grand jeune
homme, aux yeux bleus, aux cheveux blonds, à qui la vie de
comptoir pesait, qui rêvait on ne sait à quoi et qui, choyé de tous,
ne paraissait pas heureux. On sut, à la fin, son dangereux secret.
    A vingt et un ans, aimé de ses chefs, dont il avait la signature, inté-
ressé dans la maison et ayant une fortune assurée devant lui, Rousset
partit avec toutes ses économies. Les poches pleines de pièces de
théâtre et de poésies, ardent, confiant comme tant d'autres, il courut
à Paris, où il comptait trouver tous les biens, toutes les fortunes,
toutes les gloires, tous les plaisirs.
    Comme tant d'autres aussi, hélas ! il revint triste, découragé, désil-
lusionné à jamais, ayant mangé son avoir et n'ayant réussi à rien.
    Plus la leçon avait été dure, plus elle fut profitable. Sans renon-
cer aux lettres, qui ne furent plus pour lui qu'un délassement, il se
remit au travail avec ardeur et s'occupa de comptabilité, carrière
modeste et sévère, qui demande une grande rectitude dans les idées,