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212 HENRI H1GNARD dent de la Conférence de Saint-Vincent-de-Paul aux Missions étrangères, vient de se faire religieux en Belgique, il a 26 ans, une assez belle fortune, et le caractère le plus gai, le plus aimable, le plus charmant que j'aie rencontré. Ce n'est pas là un coup de désespoir ni de folie ; il l'a médité longtemps et l'a accompli avec beaucoup de calme. Pour moi, j'espère bien n'être pas tué en duel, et pour une rai- son toute simple, c'est que je ne me battrai jamais, et je ne crois pas que je me fasse religieux. J'essayerai d'être un bon professeur et un bon père de famille, de rendre heureux ceux qui seront autour de moi, de bien élever mes enfants pour la gloire de Dieu et le bien de mon pays, et de contribuer autant qu'il me sera possible au développe- ment de l'esprit et du cœur de mes élèves. J'espère ainsi remplir dignement ma tache, et mériter un peu le bonheur que Dieu m'a déjà donné, et qu'il me donnera encore. Bonnel est un bien bon garçon et un jeune homme bien estimable ; malheureusement son année est très forte, et il en est écrasé, il tourne sensiblement à la grammaire. Il le prend avec gaieté, et c'est le bon parti, mais je le plains tout de même, parce que cette position m'avait fort peu convenu. Je serai plus heureux avec mes jeunes gens de rhétorique ou de seconde, si peu nombreux soient-ils, que je ne l'aurais été dans la plus belle classe de grammaire, de France. Au moins mes élèves seront mes amis, et de petits garçons ne peuvent être que des écoliers. Je suis bien content de ce que vous me dites de M. Brémond, et surtout de mon frère. C'est un charmant enfant qui vous rendra heureux, parce qu'il a le cœur très aimant, l'âme très tendre, et qu'il n'est capable ni d'insou- ciance ni d'égoïsme. Mais il est jeune, il faut que son caractère se forme, et nous savons tous par expérience que