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                         LAMARTINE                        3 35

 que dénommées religieuses, sont encore simplement philo-
 sophiques ; l'existence de Dieu prouvée par l'ordre du
 monde est à peu près tout ce que le poète établit. Il est
 vrai qu'il le fait surabondamment. Il n'a pas composé moins
 de cinquante pièces sur ce seul et unique sujet ; quelques-
 unes sont fort longues ; et il n'avait plus rien à nous
 apprendre après les deux ou trois premières. C'est le thème
 des Harmonies de la nature de Bernardin de Saint-Pierre
 qui est repris là, et Lamartine ne s'est même pas gardé du
 travers de son devancier. A force de ne voir partout que des
harmonies, il fait désirer, lui aussi, quelques dissonances.
 On en voudrait même dans ces beaux vers où l'on rencontre
 désagréablement la monotonie, l'abus de l'amplification,
l'abondance redondante, cette production trop facile, fluide,
filée, à jet continu, qui lasse et irrite, car on sent qu'on y
dépense plus d'attention que le poète n'y a dépensé d'effort
créateur. Avec leurs apparences d'ampleur et de force,
combien les Harmonies sont loin, pour l'émotion vraie et
contagieuse, pour la pure grâce poétique, des premières
Méditations, de ce livre si sobre et si bien composé, avec sa
note mélancolique et passionnée qui se mêle doucement à
la méditation philosophique, livre facile à lire et d'où l'on
empone le regret qu'il soit si tôt terminé, tandis que
celui-ci, trop beau pour qu'on se décide à le rejeter, laisse
le temps d'en désirer vingt fois la fin.
    Puis, avec le Lamartine des Harmonies, l'expression est
toujours excessive ; ce que dit le poète n'est jamais en pro-
portion de ce qu'il doit sentir et de ce qu'il sent en effet.
S'il exprime une émotion, s'il chante sa joie, par exemple,
la peur d'être faible le rend recherché, et la peur d'être
froid le rend hyperbolique.