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^8o                       LAMARTINE

tées. J'ai parlé de l'insistance indécente avec laquelle les
Turcs sont placés au premier rang des peuples pour leur
religion et pour leurs mœurs : quels souvenirs croirait-on
que les bords du lac de Génésareth, où a prêché Jésus-
Christ, évoquent dans l'âme de Lamartine ? Ceux de
Tibur chanté par Horace, de Naples fréquenté par .Virgile,
et, j'ose à peine l'ajouter, desCharmettes souillées par Jean-
Jacques Rousseau. On perd tout quand on perd le simple et
le naturel.
    Dans cette œuvre singulière, toute en descriptions et en
réflexions, les réflexions et les descriptions ne se fondent
jamais. L'auteur ne se met à décrire que lorsqu'il s'est lassé
d'être ému, et il ne se remet à être ému que lorsqu'il s'est
lassé de décrire. Il n'en fait pas mystère. « Je ne puis
 dormir, écrit-il le 1er août 1832, à deux heures du matin ;
j'ai trop senti, je remonte sur le pont ; — peignons. La
 lune a disparu sous la brume orangée, etc. » C'est alors
 une énumération qui commence, et elle a le même défaut
 que les réflexions qui précédaient ou qui suivront ; elle est
 sollicitée, forcée, outrée. Lamartine ne contemple pas, il
 s'évertue à contempler, il contemple avec acharnement.
 Aussi, les choses qu'il voit, il (les voit mal, et il imagine
 celles qu'il ne voit pas. Son œil surexcité ne distingue plus
 la valeur relative des tons, ni les tons eux-mêmes. Nous
  avons ainsi un procès-verbal chimérique, d'une minutie
  obsédante, et auquel il manque les qualités qui semblent
  inséparables de tout prccès-verbal, l'exactitude et la clarté.
  Plus l'énumération dure, moins nous nous y reconnaissons.
 Lamartine ignorait-il donc qu'il n'y a qu'un moyen de faire
  voir les choses, qui est de les montrer au travers de sa sen-
  sibilité et des émotions qu'on a simplement et sincèrement
  éprouvées ?