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330                         LAMARTINE

redoutables points d'interrogation qui se dressent devant tout
homme venant en ce monde. Cela intéresse, sans doute :
une philosophie élevée qui s'exprime en beaux vers inté-
resse toujours; mais cela ne fait plus tressaillir l'humanité
comme en 1820. Le poète put croire alors qu'il venait de
lui donner son nouvel et définitif évangile ; elle ne s'y
reposa pas quinze ans. Moins de quinze ans après, un autre
poète plus profond et plus grand allait se lever, reprendre
à sa manière le mot de Pascal que « toute la philosophie ne
vaut pas une heure de peine », et jeter au Christ un appel
désespéré, — si désespéré, si poignant de vérité et d'an-
goisse, que les contemporains ne voulurent pas l'entendre,
et que leurs enfants s'efforcent encore d'y demeurer
 sourds :

      Les clous du Golgotha te soutiennent à peine ;
      Sous ton divin tombeau le sol s'est dérobé ;
      Ta gloire est morte, ô Christ, et sur nos croix d'ébène
      Ton cadavre céleste en poussière est tombé !
      Eh bien ! qu'il soit permis d'en baiser la poussière
      Au moins crédule enfant de ce siècle sans foi,
      Et de pleurer, ô Christ, sur cette froide terre,
      Qui vivait de ta mort et qui mourra sans toi !
      Oh ! maintenant, mon Dieu, qui lui rendra la vie ?
      Du plus pur de ton sang tu l'avais rajeunie,
      Jésus, ce que tu fis, qui jamais le fera ?
      Nous, vieillards nés d'hier, qui nous rajeunira ? (6)


   Le succès des Méditations poétiques avait ouvert à Lamar-
tine la carrière diplomatique, comme celui du Génie du
christianisme avait fait pour Chateaubriand. Attaché à la


  (6) ALFRED DE MUSSET, Rolla.