Pour une meilleure navigation sur le site, activez javascript.
page suivante »
                  LES UTOPIES SOCIALISTES                  61

tincts, ses besoins, ses aspirations, sont aujourd'hui, à peu
de chose près, ce qu'ils ont toujours été. Chaque génération
lègue à celle qui la suit le même tempérament moral
comme la même contexture physique. Plus on pénètre dans
le passé, plus cette-identité devient manifeste. Nos systèmes
de philosophie se retrouvent presque semblables chez les
penseurs de l'Inde. Ils ont eu leurs Achille Comte et leurs
Schopenhauer. Les mêmes audaces,, les mêmes erreurs se
sont reproduites de siècle en siècle ; on peut ajouter les
mêmes rêveries.
   Ce que nous appelons le socialisme existait en Grèce, il
y a deux mille cinq cents ans. Le mot est jeune, mais la
chose est vieille. Notre génération a vu créer le mot; la
chose est probablement contemporaine des premières
sociétés humaines. De tous temps il y a eu des penseurs,
des rêveurs si on veut, qui frappés des imperfections du
monde dans lequel ils vivaient (hélas ! toutes les socié-
tés, comme tous les hommes, ont leurs imperfections),
se sont plu à imaginer une société meilleure, mieux
ordonnée, plus équitable, mieux organisée pour donner
à ses membres une plus haute dose de moralité et de
bonheur. Point d'effort plus louable s'il se contient dans
les bornes du raisonnable et du possible ; s'il tient suffi-
samment compte de la vraie nature de l'homme, et la
respecte assez pour ne toucher qu'avec précaution au
mécanisme social, mécanisme compliqué et délicat qu'on
risque de détraquer en voulant l'améliorer. Mais en pareille
matière les ardeurs de l'imagination sont à craindre. Chez
nous des esprits puissants, dont nous ne saurions suspecter
les bonnes intentions, Saint-Simon, Fourrier, Cabet entre
autres, se sont laissés entraîner bien loin par le désir légi-
time de réformer des abus et de guérir des maux indéniables.