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— 94 — nal du Commerce insérait, le 16 janvier 1839, la lettre suivante, signée « Un commis- voyageur » : « Permettez à un étranger de réclamer la voie de votre journal pour exprimer publiquement la douloureuse surprise qu'il a éprouvée en assistant, bien malgré lui, dans le café du Pavillon, à une parade qu'on ne tolérerait pas, certes, sur des tréteaux. Entré par hasard dans ce café qui, par sa situation privilégiée, me faisait présumer devoir n'être fréquenté que par des gens comme il faut, quel n'a pas été mon étonne- ment en me trouvant, au milieu d'un brouhaha infernal, témoin d'une scène que je ne saurais comment qualifier. Une femme s'est promenée, portant sur la tête une énorme toile cirée surmontée d'une frégate armée d'un drapeau blanc ! Je ne ferais point ressor- tir tout ce qu'il y a de ridicule pour une femme âgée et mère, dit-on, d'une nombreuse famille, à se donner ainsi en spectacle comme les saltimbanques de carrefour ; mais je demanderai comment l'autorité laisse arborer, chaque soir, dans un lieu public, l'emblème d'un gouvernement qui n'est plus et faire ainsi un appel provocateur aux excitations de la politique. Si un homme dévoué à nos institutions faisait ce que la police aurait dû faire le premier jour et arrachait, de la tête qui le porte, un signe évident de rébellion, je désirerais savoir ce que feraient les factionnaires dont est lardé le café du Pavillon. Ne serait-il pas à craindre qu'ils n'arrêtassent celui qui aurait ainsi fait acte de bon citoyen et qu'ils ne l'envoyassent expier au corps de garde tricolore son antipathie légale pour le drapeau blanc... Veuillez insérer ma lettre, pour que la publicité mette un terme à ce scandale que la police semble ignorer encore. Agréez... ». La « coalition » des limonadiers n'avait pas manqué de reproduire, dans son Deuxième mémoire à S. E. le ministre de l'Intérieur, la plainte indignée du commis- voyageur. En novembre 1839, la situation des Girard était désespérée. La reine fit une dernière tentative et s'adressa à la générosité de ses sujets. Dans sa chronique de novembre, la Revue du Lyonnais l'annonçait par cette note peu bienveillante : « M m e Girard, la reine des Tilleuls, a répandu avec profusion un mémoire par lequel elle nous apprend que son trône chancelle et qu'il est sur le point d'être emporté par une révolution... du sol. Il est question, en effet, de la part de l'autorité, de raser son établis- sement et de rendre à la circulation un emplacement qui en avait été distrait. M m e Gi- rard prétend avoir moralisé les Tilleuls, si mal famés depuis Jean-Jacques Rousseau jusqu'à l'époque où elle est venue y poser sa tente si pleine d'ombre et de fraîcheur. Elle réclame, en raison de ce service, la bagatelle de 30.000 francs ! Les âmes charita- bles sont priées de souscrire. Il y a un notaire chargé de recueillir les dons. On accepte tout, depuis un franc jusqu'à mille. Cette somme de 30.000 francs est destinée à payer les dettes de l'établissement et à indemniser les propriétaires. On ne peut refuser de porter son offrande dans l'intérêt des créanciers et de la morale. C'est vraiment de l'argent bien placé. Hâtez-vous donc, âmes charitables! ». Le mémoire en question dut être distribué à la fin d'octobre. Aujourd'hui raris- sime, il est intitulé Appel d'une mère de famille menacée... de la plus affreuse indigence...