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536 BIBLIOGRAPHIE à peine arrivé, il se prépara à proclamer, avec un grand apparat, l'élévation du Comte Amédée VIII au titre de duc. A vrai dire, le désir d'honorer un prince, dont il voulait s'assurer l'amitié, ne le dirigeait pas seul. C'était aussi une sorte de défi à l'adresse du roi de France, Charles VI, qui s'était refusé à reconnaître sa suprématie impériale. Mais, en cette circonstance, les gens du roi n'oublièrent point leur devoir. Si puissant qu'il fût, l'empereur ne pouvait, régulièrement, exercer un acte de souveraineté dans une ville, où il n'était qu'un hôte de passage. On le lui rappela, et il dut s'incliner. Mais son irritation fut si vive, qu'il quitta Lyon sur-le-champ, en se répandant en menaces contre le roi, Lyon et la France. Puis, à peine arrivé à Montluel, il s'arrêta, pour donner, sans retard, le titre de duc au comte Amédée VIII. Quelques jours plus tard (19 février 1417), l'empereur, le nouveau duc et leur suite se trouvaient à Chambéry, où furent donnés, il est vrai, des fêtes et des tournois, pour consacrer cet honneur avec plus de solennité. Mais ces fêtes, qui ont pu donner le change aux historiens de la Savoie, n'ajoutaient rien au fait accompli. Car les lettres patentes, en vertu desquelles Amédée VIII devenait duc de Savoie, avaient été données et lues solennellement dans la grande salle des fêtes du château de Montluel. Voilà ce que nous apprennent les documents du temps et les histo- riens les mieux informés. Et tel est l'objet du mémoire que vient de publier M. Vingtrinier, pour faire justice d'une erreur trop répandue. Il a eu raison. Si minime qu'elle soit, toute erreur historique mérite une rectification, car c'est par l'exactitude des détails que l'on peut connaître, sous leur vrai jour, les hommes qui ont joué un rôle dans l'histoire, aussi bien que les événements auxquels ils ont été mêlés. Ainsi en est-il notamment du fait traité par M. Vingtrinier. Proclamée à Chambéry, plus de quinze jours après que l'empereur avait quitté Lyon, l'érection de la Savoie en Duché, ne serait plus qu'un événement fort ordinaire. Mais, en voyant le plus puissant monarque d'alors s'arrêter, aux portes de notre ville, pour donner, en toute hâte, au comte de Savoie, un titre qui doit lui attacher un fidèle vassal, comme on comprend bien mieux, à quel degré il avait été blessé dans son orgueil, et comme on est plus touché de voir que, même pendant la guerre de Cent ans, et à la veille du jour où elle ne sera sauvée que