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               LE SONGE D'UNE NUIT D'HIVER                   507

maladies, de prolonger quelques existences, mais c'est à
force de tâtonnements, et sans avoir pénétré le secret de la
vie.
   Nous ignorons pourquoi l'opium fait dormir et pourquoi
le quinquina agit contre la fièvre. Et souvent il arrive qu'au
plus fort de nos succès cm de nos insuccès, des puissances
occultes exerçant sur nous, comme la lune sur le flux de
la mer, des attractions aussi incontestables qu'inexplicables,
réalisent des miracles qui nous rappellent au sentiment de
la modestie.
   — Je te ferai observer, dit la folle du logis, qu'il est fort
heureux que cet admirable mécanisme humain puisse être
dérangé par la maladie, non pas seulement pour que les
médecins aient une raison d'être, mais parce que sans cela,
c'est-à-dire avec la supposition d'une santé et d'une jeu-
nesse inaltérables, l'homme serait d'un orgueil et d'une folie
insupportables. On peut en juger par ce qu'il est actuelle-
ment, malgré la vieillesse et la maladie.
   Sur la voie où son imagination venait de le pousser,
Claude se rappela qu'au temps de sa jeunesse, il vivait sans
penser à la collaboration d'aucun de ses membres ou de
ses organes intérieurs. Chacun d'eux fonctionnait admira-
blement tout seul, comme s'il eût été animé d'une vie
spéciale, et Claude ne songeait pas même qu"il eût à se
préoccuper de leur action. Quantum mutatus ab Mo ! Main-
tenant il faut toujours avoir l'Å“il sur eux comme sur des
chevaux fatigués qui peuvent s'abattre ou expirer en
route. On ne trouve plus la santé que chez les enfants ou
chez des butors, chez de grossiers individus qui ne l'appré-
cient pas.
   Et il y a une vie limitée pour les familles comme pour
les individus. Dans les races affinées par l'esprit, parles aises