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324 EUGENE LE MOUEL O Jeffik, les appels mystérieux et longs Des pâtres à leurs pastourelles Sur les genêts du soir flottent encor pour elles; Seule, ma voix gravit l'autre bord des vallons. Que de fois j'ai chanté par dessus la vallée : Hollaïka! Hollaïka! Jamais, depuis des mois, ta voix ne répliqua; Jeffik, c'est donc bien loin que tu t'en es allée ! L'amour s'envole donc au-delà des vallons Ainsi qu'une aurore fumante; Ils ne vont plus à toi, dis, éternelle amante, Les appels d'autrefois mystérieux et longs ! Il est entre nos cœurs une immense vallée ! J'en croyais les sentiers moins longs ; Je crie Hollaïka ! par dessus les vallons, Mais ma voix ne va plus où tu t'en es allée. Tel est ce recueil d'amour, triste comme tous les livres d'amour. Est-ce à cause de la brièveté des heures douces ? Parce que le pauvre cœur humain est plus fait pour la peine que pour le bonheur? Ou bien encore serait-ce que l'Amour, enfui, ne laisse sur ses traces qu'une arrière certi- tude de l'écoulement des choses ? Peut-être. Quoi qu'il en soit, aucune langue n'est plus apte que celle des vers à rendre, avec intensité et précision, les sentiments, les causes, les circonstances où l'âme s'ouvrit jadis à la douleur et à la joie. « La poésie est chose du passé », a dit un grand phi- losophe. Pierre DE BOUCHAUD.