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132                  THÉOPHILE GAUTIER

   Ils sont rares les hommes de lettres qui, comme M. Jules
Lemaitre, peuvent mener de front la triple tâche de critique,
de romancier et d'auteur dramatique. Combien Théophile
Gautier eût envié une pareille facilité, lui qui, sauf pour les
Grotesques et le Rapport sur la* Poésie, qu'il eut le temps de
composer en toute liberté, fut toujours harcelé par le prote
réclamant la copie, nous apprend M. Richet.
   Les quelques mois, que Théophile Gautier passa chez le
peintre Rioult, lui furent véritablement profitables en ce
qu'ils lui apprirent à voir, ainsi que je le remarquais plus
haut. Je doute qu'il eût rapporté des impressions aussi
vivantes et pittoresques de ses voyages s'il n'eût pas été
préparé déjà par sa science du dessin à l'harmonie des lignes
et des couleurs, que les dilettanti sentent obscurément
mais qui pour Gautier prenaient un charme et un relief
saisissants.
   M. Richet a bien raison de s'écrier : « Que n'a-t-il été
en Palestine,, en Syrie, au Japon! » Quelles merveilleuses
études n'en eût-il pas rapportées, dignes pendants de ses
pages lumineuses sur l'Espagne et l'Italie, et que sa langue
superbe aurait splendidement animées.
   Chez Gautier, le romancier et le conteur furent inférieurs
au critique d'art et à l'impressionniste. Si l'on en excepte le
Capitaine Fracasse, le seul de ses romans qui soit vécu, bien
que reposant sur une fable, il faut bien convenir que ses
autres œuvres, depuis les Jeune France jusqu'à Fortunio en
passant par le Roman de la Momie, sont d'une étrangeté
quelque peu déconcertante. D'ailleurs cela n'enlève rien à
sa puissance imaginative. Gautier étant un incorrigible
rêveur, comment lui demander des impressions pareilles à
celles de tout le monde? ou bien le voyez-vous se livrant à
l'étude des âmes et des caractères comme un Bourget, ou se