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132        LES VOYAGES DE MADAME DE SÊVIGNE

 « y voulut seulement passer les doigts, elle serait aussi
 « bien après le voyage qu'en partant de Paris. Mais cette
 « bonne d'Escars était bien en colère contre la douane ; il
 « en coûte plus de cenr francs ! Et pourtant, elle a sur la
 « conscience d'avoir fraudé la gabelle de plus de la moitié,
 « c'est une chose cruelle que cette sujétion ». Cent francs
de droit sur une perruque, dont on n'a déclaré que la
moitié de la valeur, c'est plus que n'oseraient rêver les
partisans du régime le plus protecteur. Mais il est à croire
que le droit de cent francs avait été perçu sur l'envoi tout
entier, dont la valeur était de 300 louis d'or et qui conte-
nait « un très beau manteau, une belle jupe, de la toile
« d'or et d'argent pour une toilette et de quoi faire un
« corps de jupe ; la dentelle pour la toilette ; une petite
« pour les sachets et pour les coiffes noires ; les souliers,
« la perruque, les rubans, le tout admirablement beau. »
   Le 3 octobre 1690, Mme de Sévigné partit de son château
des Rochers, près Vitré en Bretagne, et se rendit d'un trait
et sans passer par Paris jusqu'à Lyon, et de là à Grignan,
où elle arriva le 24 octobre, après avoir parcouru en
21 jours une distance de 200 lieues qu'elle fit en - litière,
puis en bateau sur la Loire et sur le Rhône. Elle avait eu
déjà, en d'autres temps, l'idée de ce long voyage autrement
pénible que le trajet direct de Paris à Lyon. La crainte de
fatigues excessives l'en avait détournée, et en 1671, elle
écrivait de Bretagne à sa fille : « La Bretagne et la Provence
« ne sont pas compatibles. C'est une chose étrange que les
« grands voyages ! si l'on était toujours dans le sentiment
« qu'on a quand on arrive, on ne sortirait jamais du lieu
« où l'on est. Mais la Providence veut qu'on oublie. C'est
« la même chose qui sert aux femmes qui sont accouchées ;
« Dieu permet cet oubli afin que le monde ne finisse pas et