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50                   LE PÈRE GRASSET

    Nous avons déjà parlé de la naïveté du P. Grasset. Elle
se montre à un degré remarquable dans les portraits de ses
héros et héroïnes. Tous les membres des deux familles
Bertrand et Colombier sont beaux, bien faits, sans compter
les qualités morales qu'ils ont naturellement au suprême
degré. Les garçons sont tous de vaillants chevaliers et les
filles sont des miracles de beauté en même temps que des
modèles de vertu. On est même étonné de voir le bon reli-
gieux se complaire dans des tableaux de beauté féminine
qui, d'ailleurs, sentent singulièrement le mauvais goût de
la province, qui en était encore à Honoré d'Urfé et Mlle de
Scudéry, tandis que Paris avait déjà lu Pascal et applaudis-
sait Corneille. Le P. Grasset devait aussi connaître les
poètes italiens, car chacun de ses chapitres débute, comme
les chants du Tasse et de l'Arioste, par une petite homélie
plus ou moins religieuse ou philosophique, souvent fort
banale. Parfois aussi, il tombe évidemment dans le roman,
par exemple quand il donne le texte des lettres échangées
entre les grands-parents à l'occasion du mariage de Mar-
guerite Bertrand et de Barthélémy de Colombier. Mais ce
ne sont que de rapides défaillances et, chroniqueur cons-
ciencieux sinon élégant, son admiration sans bornes pour
les nièces du cardinal ne l'empêche pas de mentionner le
cas de Jacobette Veyre, qui fit invalider son mariage avec
noble Jean Giliberty de Condrieu. Cet événement de
famille, qui ne donne pas une haute idée tout au moins de
la résignation de Jacobette, et dont notre Célestin ignore
prudemment les motifs, eut lieu en 1357. Il paraît que le
cardinal, après avoir vainement tenté de remettre l'accord
dans le ménage, reconnut la nécessité de céder aux ins-
tances de Jacobette, car il finit par intervenir dans ce sens
auprès de l'archevêque de Vienne. Le pauvre Giliberty en