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l6 LES VOYAGES DE MADAME DE SEVIGNE aux passions et aux préjugés les hommes et les événements. C'est d'elle surtout que l'on peut dire ce qu'elle écrivait à sa fille, à propos des lettres qu'elle en recevait dans les pre- miers temps de leur correspondance : « Vos lettres sont si « naturelles qu'il est impossible de ne les pas croire; la « défiance même en serait convaincue : elles ont ce carac- « tère de vérité que je maintiens toujours, qui se fait voir « avec autorité, pendant que la fausseté et la menterie « demeurent accablées sous les paroles sans pouvoir per- « suader; plus elles s'efforcent de paraître, plus elles sont « enveloppées. Les vôtres sont vraies et le paraissent. Vos « paroles ne servent tout au plus qu'à vous expliquer, et « dans cette noble simplicité, elles ont une force à quoi « l'on ne peut résister. » Le mariage de MIIe de Sévigné avec le comte de Grignan a été l'occasion et comme la préface de cette fameuse cor- respondance qui a commencé en même temps et duré aussi longtemps que la séparation de la mère et de la fille. Après son mariage, qui eutlieu à Paris le 29 janvier 1669, la jeune comtesse de Grignan demeura encore deux ans auprès de sa mère. Elle la quitta pour la première fois le 5 février 1671, pour aller en Provence, voyageant avec ses équipages, se dirigeant sur Lyon par la route du Bour- bonnais. Le lendemain et les jours suivants, sa mère lui adresse à Lyon, où elle les trouvera à son passage, les pre- mières lettres qui commencent cette longue suite de plaintes sur les douleurs de la séparation. Les inquiétudes qui assiègent Mme de Sévigné à l'occasion de ce premier voyage, font paraître à ses yeux comme de terribles dangers grossis par l'imagination, certaines diffi- cultés de la route que sa fille doit suivre, surtout la tra- versée de la montagne de Tarare et la navigation sur le