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                LE CHÊNE         ET    LE    GAZON


 Contre le chêne altier, un jour l'humble gazon
      Exhalait cette plainte amère :
 « Oh ! pour notre malheur, nature, notre mère,
Fit croître parmi nous, pauvres gens du vallon,
      Ce chêne, géant séculaire !
Depuis que, transplanté des forêts d'alentour,
Il étend vers les cieux son dôme de feuillage,
Et couvre au loin ces prés, notre commun séjour,
     De son impénétrable ombrage,
Il ne m'est plus permis de voir l'astre du jour,
Ni de sentir la brise, apportant du rivage
     La fraîcheur, la vie et l'amour.
Plus de sucs nourriciers ! le monstre les épuise :
Ce monstre absorbe tout, il nous prend tour à tour,
     Amour, lumière, fraîcheur, brise,
     Aussi voyez, voyez comme je dépéris !
     Avant le temps je me flétris :
     Hélas ! ces odorants calices
Dont s'émaillent encor mes jaunissants tapis,
     Dont l'abeille fait ses délices,
Se penchent, privés d'air, sous ces affreux abris ! »

— « Mon fils, lui répondit tranquillement le chêne,
Mon fils, regarde un peu la colline prochaine :
    Ses flancs nus, ses tristes sommets,
    Qu'un voile de branches serrées
    Des rigueurs de l'été ne préserve jamais,
Ont vu, depuis longtemps, se faner, dévorées
    Par de trop cuisantes chaleurs,
    La verdure et les fleurs ;
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