Pour une meilleure navigation sur le site, activez javascript.
page suivante »
                  L'ÉCRIVAIN CLAUDE DU VERDIEK                IO3

des sons, mais à l'harmonie morale que la sagesse antique
a cru découvrir dans une âme bien réglée, et à la musique
des astres qui accomplissent en cadence leurs éternelles
révolutions. Assurément ces idées n'avaient rien de nou-
veau ; cependant, remuées par un vrai poète, on pouvait
encore en tirer quelque chose. Mais du Verdier n'est pas
sorti un moment du lieu commun.
   Rien ( i ) a des prétentions moins hautes, quoique du
Verdier ne manque pas, à l'occasion, de donner un grand
coup d'aile, et de prouver qu'il se croit au-dessus de son
mince sujet. Ce petit poème se donne en effet pour un
simple jeu poétique; du Verdier annonce même qu'il va
s'ébattre, et il conseille à Caton de ne pas troubler ce badi-
nage de son « regard sourcilleux » et de sa « troigne
revêche ». Que de choses entreprises pour un Rien! Com-
bien de guerres ont commencé pour un Rien ! Et lui-même,
ne fait-il pas des vers pour Rien ? Rien d'ailleurs a du bon !
Il exempte des impôts, il met à l'abri de l'envie, des alar-
mes, des « voleurs aguettans », du soldat maraudeur. Et
voici le coup d'aile : Ne Rien savoir, c'est ignorance ; savoir
Rien, c'est toute la science. Le monde finira en Rien, et
nous aussi ; mais de ce Rien du tombeau, Dieu ressuscitera
une chair incorruptible.
   Ces poèmes mal composés, d'une langue obscure et
pénible, sont des oeuvres de jeune homme et c'est toute
leur excuse. Mais je ne crois pas d'ailleurs que le talent de
du Verdier eût jamais pu mûrir, si j'en juge par la seule
page française en prose qu'il ait fait imprimer. Il est vrai
qu'il s'agit ici d'une dédicace, où le trait, l'antithèse, le choc
mécanique des mots sont presque de rigueur, où un auteur

  (1) Ibid.,   pp. 213-218.