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DE L'HOMME 113 bien éternel. Est-ce la faute de la nature, si, dans son or- gueil, l'homme l'accuse d'imperfection au lieu de s'en oc* cuper lui-même ? Mécontent du présent, cet insensé admire le passé ou espère dans l'avenir. Il oublie que le présent est une limite incommensurable entre le passé et l'avenir. Voyez aussi dans quelle contradiction il tombe. La mort, qui est le retour du corps dans la nalure créatrice, la délivrance de l'esprit, il la regarde comme un mal, et cependant cette mort est la fin de tout ce qu'il regarde comme mal. Que résulte-t-il de cette manière d'être, fausse et contre nature ? Les nations mécontentes sont agitées et les souve- rains sont inquiets. Cette histoire est une série d'insurrec- tions , de révolutions, de guerres civiles. Le nombre des pauvres, des criminels, des suicides va croissant; de nou- velles maladies apparaissent. Les passions qui tuent la joie circulent dans toutes les artères de la société. > On recherche les causes de ce malaise dans les intrigues des demi-savants, dans l'affaiblissement de la religion, dans l'excès de la population, dans l'organisation surannée des États, dans la diffusion des lumières, dans la corruption des mœurs parmi les hautes et les basses classes, dans l'enseignement de l'histoire naturelle ; mais voici ce que l'on oublie : On sait, il est vrai, ce qui est mieux , on a la connaissance du vrai et du bien, mais en même temps toute l'activité de l'esprit se met au service de la vie ani- male , toute l'intelligence est au service des intérêts maté- riels. Les sciences, les arts, les métiers sont a contribution pour raffiner les jouissances des sens. L'esprit est livré en esclavage aux appétits sensuels. L'homme est éduqué pour être l'animal le plus intelligent, le plus rusé, le plus habile. Cet amour de soi jette dans la poussière le bien-être de la famille, de la patrie, de l'humanité ; semblable à un porc, il fouille et nasille dans la société civile, dans l'église, dans 8