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                    SOUVENIR DE POMPÉI*

    Dans le numéro du Courrier de Lyon du 14 mai courant, je lis un ar-
ticle sur la première éruption du Vésuve qui m'a vivement impressionné,
en me rappelant une des plus intéressantes curiosités qu'il m'ait été donné
de contempler dans le cours de mes voyages.
    C'était en 1850, alors que, le pape étant l'hôte du roi de Naples, qui lui
avait offert son châleau de Porfici, une escadre française, sous les ordres
de l'amiral Parccval-Deschênes, était mouillée dans ces eaux. Beaucoup
d'écrivains érudits ont décrit les merveilles que renferment les restes de
ces villes, aulrefois fameuses, d'HercuIantim et de Pompéi et je n'ai point
la prétention d'entreprendre ce qu'ils ont si bien narré, mais seulement de
rappeler certaines particularités dont ma mémoire a gardé le souvenir.
A cette époque, ce que l'on avait pu retrouver d'Hcrculanum était très-dif-
ficile à visiter, pour des touristes de hasard qui ne pouvaient disposer que
de quelques instants à de rares intervalles, les restes d'Herculanum étant
enfouis sous l'élégante et indolente ville de Portici édifiée sur ses débris,
Portici, qui est à Naples ce que Versailles est à Paris, et de plus sous un
ciel unique que loutle monde a admire. De Naples à Portici la route, fort
belle, est bordée des plus ravissantes villas que l'on puisse imaginer, où se
déploie le luxe le plus somptueux de l'aristocratie nobiliaire et financière.
Un peu plus loin on arrive à Pompéi, au pied du mont Vésuve, fout près
de Castcllamare. Pompéi est découvert; ce devait être une très-riche et
très-grande ville, à en juger par son étendue découverte alors, qui n'était
pas moindre que le quartier des Brottcaus ; à l'entrée, des gardiens reçoi-
vent les visiteurs et des interprètes parlant diverses langues se nieltent au
service des étrangers pour les accompagner, arrèler leur attention aux
choses les plus remarquables et donner des explications historiques ; on
rencontre bien aussi à l'intérieur des lazzaroni empressés à nettoyer, avec
leur bonnet, du sable qui les recouvre, des inscriptions sur le sol, et non
moins empressés à vous tendre le bonnet de la façon que vous pouvez ima-
giner. Mes souvenirs sont impuissants à rappeler toutes ces merveilles ; c'est
l'antiquité surprise à nu, en flagrant délit; on est transporté subitement à
dix-huit-cents ans en arrière, comme si, r,'un vol rapide, on allait dans une
contrée lointaine fondre sur ses habitants pour en saisir les mœurs. Il faut
dire cependant qu'on a eu la malencontreuse idée de transporter au musée
de Naples un grand nombre d'objets et œuvres d'art qui perdent beaucoup
à ne pas être restés dans les lieux mêmes d'où on les a fâcheusement retirés ;
c'est une ineptie que des observateurs de tous les pays ne pardonnent pas
au gouvernement qui a ordonné cette quasi-mutilation. Les rues sont
pavées avec des dalles de dimension plus grande que notre pavé d'échan-
tillon et, ainsi que le dit très bien l'auteur de l'article du Courrier de
Lyon, la trace des roues de voitures ou chars de l'époque est très-appa-
rente ; il y a aussi des bornes qui devaient être des fontaines publiques, au
dire de notre cicérone. Les maisons sont rasées environ à la hauteur supé-
rieure d'un rez-de-chaussée presque uniformément (œuvre de l'éruption et
aussi la conséquence des fouilles opérées) et se ressemblent à peu près
toutes dans leur architecture, sauf le luxe, qui dépendait de la fortune et de
la qualité des occupants ; un assez grand nombre ont des marques appa-
rentes qu'elles servaient à un commerce quelconque. L'entrée principale a
les dimensions d'une porte cochère, elle est pavée en mosaïque dans sa
longueur de deux à trois mètres ; puis c'est une cour carrée ou rectangulaire ;
d'un côté sont les appartements et de l'autre des salles de bains; les murs
latéraux de l'intérieur de cette cour sont peints, et la conservation de ces