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FOURVIERE ET LA NOUVELLE ÉGLISE Fourvière n'appartient pas à un propriétaire particulier, jouis- sant du droit uti et abuti, pouvant, sans être justiciable de l'opi- nion publique, modifier, détruire, reconstruire, embellir ou gâ- ter, mettre un chalet à la place d'une chapelle, une cathédrale au lieu d'un oratoire. Fourvière est à l'Eglise de Lyon. C'est le patrimoine de tous les catholiques du diocèse. La colline fut donnée à l'Eglise en 850 par l'empereur Lothaire,el Fourvière lui revint après la tourmente révolutionnaire. Tout se tient dans ses merveilleuses chroniques ; les scinder, c'est détruire Four- vière ou du moins préparer sa décadence. Vous donc que possède la manie des innovations, pensez sept fois avant de mettre en œuvre la pioche et le marteau. Vous aurez un monument, c'est possible à la rigueur, bien que douteux, monument superbe ou avorté; le monument parlera-t-il à nos cœurs, réveillera-t-il nos souvenirs, consolidera-t-il notre affection à la patrie lyon- naise et à notre céleste protectrice, comme nos vieilles masures? Ce sera beau, si vous le voulez et si vous ne tenez pas compte de l'écrasement de la colline par cette masse de pierres, mais ce ne sera plus le Fourvière de nos pères, toujours ancien et tou- jours nouveau, parce que rien ne s'y est modifié brusquement et que sa généalogie, que vous allez recommencer à un premier degré, marche sans interruption apparente, grâce aux pierres noircies et usées depuis l'époque de sa fondation. Pour justifier la grandeur du projet et l'énormité des dépen- ses qui en seraient la suite rigoureuse, on a invoqué le souvenir des grandes cathédrales du moyen âge. Ce souvenir est précisé- ment la condamnation de ces entreprises hors de proportions avec des besoins réels, dues plutôt à un sentiment de vanité puérile qu'à un élan de foi. Les grandes cathédrales sont déser- tes, plusieurs ont peine à se soutenir, les unes ne sont pas achevées, les autres le sont dans un style différent; et à coup sûr, là où elles ont remplacé des églises antérieures, nous pouvons regretter leur érection ; cet ingénieux système et cette fantasmagorique ornementation de la période ogivale ne peu- vent suppléer à la consécration par le sang des martyrs. Et le nouveau Fourvière, quels sont ceux qui pourront le con-