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                         AUGUSTE ALLMER                           245

son art singulier de les reconnaître et de les déchiffrer en
les palpant, si frustes fussent-elles. Allmer eut en peu de temps
le même don et là où ses yeux étaient impuissants, ses doigts
voyaient. Le dessinateur fut bientôt pris du désir de savoir
ce qu'il dessinait et réapprenant ou bien plutôt apprenant
le latin, il fit choix de César ( i ) . Ce fut son livre de che-
vet. Allmer, on peut s'en convaincre en le lisant, est l'homme
d'un seul livre, mais il faut reconnaître qu'il avait bien choisi.
Il le fouilla en tous sens, s'assimila tout ce qu'il contenait :
histoire, géographie, institutions, art militaire, mythologie,
langue et style. Sur ces entrefaites, Delorme mourut du
chagrin que lui causa l'incendie de la Bibliothèque. Il avait
assumé la charge de commenter les inscriptions romaines et
laissait son travail à peine commencé. M.deTerrebasse, qui
s'était chargé des inscriptions du Moyen Age et était très lié
avec Léon Renier de l'Institut, pria son ami de prendre la
succession de Delorme. Léon Renier y consentit, mais les
multiples occupations de l'éminent épigraphiste, la vie si
absorbante de Paris et peut-être d'autres raisons, que j'ignore,
ne lui permirent pas de tenir son engagement. C'est alors
que M. de Terrebasse, faisant une douce violence à la modes-
tie d'Allmer, le décida bien malgré lui à prendre cette lourde
succession. Et plutôt que d'abandonner le projet rêvé, en
désespoir de cause, nous dit Allmer, on fit du dessinateur un
épigraphiste : « De même que ces soldats de fortune à qui
un lambeau de pourpre, jeté sur leurs épaules par leurs
compagnons d'armes, imposait de force le périlleux honneur
d'un principat inattendu, élevé parle hasard à un rôle supé-



   (1) Je tiens ces détails si curieux de M. Humbert de Terrebasse qui
était alors en quatrième et traduisait aussi le De Bello Gallico.