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                         LAMARTINE                       383

envoie à point nommé, dans ces hautes régions, deux
proscrits, le père et le fils, dont le premier est blessé à
mort, et n'a que le temps de confier à Jocelyn son enfant
qui s'appelle Laurence. Un sentiment assez ambigu, une
sorte d'amitié passionnée, s'établit entre l'adolescent et son
protecteur, si bien que, lorsque le hasard fait découvrir à
Jocelyn que Laurence est une jeune fille, l'amour n'a pas à
naître, il est né déjà. Cependant Jocelyn est brusquement
rappelé à Grenoble par son évêque, qui, ayant besoin d'un
confesseur dans la prison où il va mourir, l'ordonne prêtre
à peu près malgré lui. Il ne revoit Laurence que pour lui
dire adieu et s'en aller curé à Valneige, une petite paroisse
des montagnes. Au bout de quelques années, il perd sa
mère ; comme, après les funérailles, il a reconduit sa sœur
à Paris où elle habite, il y rencontre Laurence, mais il ne
lui parle pas, car le désespoir a fait d'elle une femmeperdue.
De retour à Valneige, et tout à sa vie de curé de village, il
est appelé un jour auprès d'une femme qui se meurt, dans
une auberge, sur la route d'Italie. Il y court ; cette femme
n'est autre que Laurence, qui expire après avoir reconnu
Jocelyn, et le poème est terminé.
   Je dirai tout d'abord que, malgré ses défauts, Jocelyn
n'est pas une œuvre que l'on ait le droit de traiter avec
dédain. C'est un beau poème, encore qu'il soit trop long,
et que le poète y lasse fréquemment son lecteur par ce flot
intarissable dont on ne sait jamais, dès qu'il a commencé,
quand il finira de couler. Lamartine n'avait encore rien
produit d'aussi considérable ; ses morceaux les plus déve-
loppés, la Mort de Socrate, et le Dernier Chant du Pèlerinage
de Childe-Barold ne sont rien auprès des neuf chants étroi-
tement liés de cette sorte d'épopée. Le poète a supposé,
pour se mettre un peu à l'aise, qu'il publiait un manuscrit