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324 LAMAETiNE je veux dans ta marche insensible, Viens-tu dévoiler l'avenir, Ivre d'un poétique amour, Au coeur fatigué qui t'implore ? Contempler ton astre paisible, Rayon divin, es-tu l'aurore, Jusqu'au réveil bruyant du jour. Du jour qui ne doit pas finir? , Et je n'ai point trahi Chênedollé : cette pièce est la meil- leure de son recueil. Pourtant, quelle différence dès les premiers vers ! Quelle magnificence du côté de Lamartine, quelle splendeur ! Combien la scène est à la fois plus poé- tique et plus vraie ! J e passe sur la versification, sur ces rimes de naissante, décroissante, eaux, réseaux, paupière, lumière, pavots, repos, qui viennent tout droit du diction- naire ; mais la muse de Chênedollé ne s'occupe qu'à décrire, et encore, la plupart du temps, avec des traits de convention. Elle énumère consciencieusement les phéno- mènes naturels qui accompagnent le lever de la lune, mais la conscience même qu'elle y met suffirait à établir que tout cela est fait de calcul et d'effort. Dans Lamartine, au con- traire, quelques touches sommaires pour le paysage, et l'âme du poète entre bien vite en scène pour nous entre- tenir de ce qu'elle sent, et non plus de ce qu'elle voit. Elle est émue ; elle chante son émotion, une émotion douce, sérieuse et gravement humaine, toute différente des impressions sensibles que produit sur l'observateur la magnificence d'une belle nuit. Tandis que Chênedollé nous décrit en effet le clair de lune, Lamartine nous parle dlautre chose, il nous murmure son rêve d'infini et d'im- mortalité, et il nous le murmure en une mélodie inconnue : je ne sais quoi de voilé, de mystérieux, d'inattendu jusque dans les sons. Cette pièce donne la note de tout le recueil des pre- mières Méditations, note qui demeure très une, qui est par là même très intense, et sur laquelle il faut insister,