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                 LETTRES D'HIPPOLYTE FLANDRIN                       437

apporté aujourd'hui les lithographies de chez Vibert et
Goupil. Moi, j'ai acheté les deux exemplaires du Jugement
dernier, qui ont chacun un ensemble de la composition,
dessiné au trait seulement. J'en ai demandé un troisième pour
l'exemplaire que vous avez acheté vous-même, et on s'est
empressé de me le donner. (3) — Ma femme a été un peu
embarrassée pour acheter la musique que vous demandiez,
parce qu'elle en a joué devant vous de plusieurs cahiers.
Mais elle a pris enfin celui dont elle a joué le plus et que
vous avez ensuite feuilleté, et qui contient quatorze pièces
pour piano sans accompagnement. Entre autres, une cer-
taine fantaisie qui est aussi grande, aussi héroïque que les
plus sublimes symphonies ! — Il n'y a donc pas eu de
supplément à ajouter : vous avez tout prévu et satisfait à
tout. La bonne, qui a reçu ce que vous avez eu la bonté de
lui envoyer, vous en remercie de tout son cœur.
    Vous avez remarqué, dites-vous, qu'une réaction s'est
opérée en nous ; que nous sommes moins exclusifs et que
nous rendons volontiers justice aux différentes natures de
mérite qui se produisent. Je crois que c'est vrai, et que c'est
l'effet nécessaire du temps, de la réflexion et des efforts que
l'on fait soi-même pour produire, qui ne permettant plus
de juger avec la même légèreté, vous font voir et reconnaître
avec joie et respect les qualités éparses qui constituent telle
ou telle individualité (4). Du reste, sous ce rapport encore,
nous n'avons qu'à suivre le maître. Comme il a un sens plus
parfait, il est encore le plus juste !


  (3) C'est-à-dire qu'au fragment de la fresque, modelé, et à grande
échelle, était annexé une autre planche, représentant, à une plus petite
échelle, et au trait seulement, la totalité de la composition.
  (4) Joie et respect. Ce mot est admirable (C. T.).