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               LAURENT MEILLET DE MONTESSUY                 3^1

A la fin, pour certaines causes Sa Majesté empescha la
conférence proposée et pour montrer l'état qu'il faisait
depuis du mérite et de la suffisance dudit seigneur à la pre-
mière occasion qui s'offrit (qui fut l'arrivée d'une grande
et solennelle ambassade espagnole envoyée extraordinaire-
ment à Fontainebleau, au mois de juillet de la susdite
année) le Roy ayant ordonné l'ordre de la réception et veu
que ledit sieur de Sainct Chamond (l'ambassadeur et toute
sa suitte estant déjà en la Cour) n'estait pas en l'antichambre
avec les principaux seigneurs du royaume, ains en une
chambre précédente, avec une infinité d'autres, commanda
a Monsieur de Montpesat de le faire promptement appeller
et changer de place; ce qui fit murmurer plusieurs autres
seigneurs : aussi la vertu n'est jamais sans envie et la faveur
est un corps perpétuellement suyvi de la jalousie. »
   L'on pourrait bien objecter que cette anecdote ne
prouve pas que le roi ait pris en faveur Monsieur de
Saint-Chamond parce qu'il était docte; le ministre Gigor,
question de doctrine à part, était sans doute le plus docte
des deux ; mais il est plus probable que le roi, pour des
motifs de politique intérieure, avait voulu montrer de l'es-
time à un grand seigneur qui joignait le mérite à la nais-
sance.
   En tout cas, cela peut toujours prouver que le savoir
n'était pas méprisé à la Cour comme à l'armée. Meillet
avait, en effet, fait connaissance d'un gentilhomme, ancien
capitaine, homme fort universel, qui avait été mal vu par
ses chefs parce qu'il était lettré : « Il me dit que les lettres
lui avaient toujours été nuisibles et que la barbarie du siècle
avait plus de crédit que le mérite des sciences, que vérita-
blement le gentilhomme français qui voulait être aujour-
d'hui avancé ne devait savoir ni lire ni écrire et qu'il en
    N° > — Novembre 1888.                              22