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                               POÉSIE

Vous, qu'il faut consulter, avant de prendre femme,
Moins le désir des yeux que les besoins de l'âme !

                            LE PEINTRE

Eh quoi ! tous ces talents, dont on nous fait honneur,
Ne sont, comme les biens, qu'un obstacle au bonheur!
Ah ! si vous disiez vrai, plût à Dieu, Rosalie,
Que, simple matelot sur les mers d'Italie,
Chevrier sur ces rocs, bûcheron dans ces bois,
(Quoique vous sembliez ignorer leurs patois),
Je fusse votre égal, au moins, par la misère !
Mon amour, à coup sûr, paraîtrait plus sincère
Et près de vous d'abord eût trouvé plus d'accueil.
Plût à Dieu que jamais, dans un moment d'orgueil,
Mes parents bien-aimés ne m'eussent fait instruire !...
Cette œuvre de leurs mains, autant vaut la détruire.
Que m'importe en effet tout le soin qu'ils ont pris,
Si de pareils refus en sont déjà le prix?
Commandez : je suis prêt à tous les sacrifices.
Résigné, par amour, aux plus humbles offices,
Et brisant mes pinceaux pour vivre auprès de vous,
Rien ne me coûtera, jout me semblera doux,
Pourvu que votre fille, en partageant ma vie,
Rende à mon cœur charmé plus qu'il ne sacrifie !

                          DAME ROSALIE

Puisqu'il faut tout vous dire, apprenez, apprenez
Qu'en un rang assez haut mes parents étaient nés.
Les révolutions, pour abaisser leur race,
De notre vieux manoir ont effacé la trace ;
Et moi, dès mon bas-âge, exilée avec eux,
Je n'ai trouvé qu'ici le pain des malheureux.
Seule au monde à quinze ans, j'aimai cette campagne ;
D'un rude montagnard je devins la compagne ;
Florestine naquit : il l'entoura de soins,
Mais sur notre humble état mesurant ses besoins,
Jamais entre ses mains ne voulut mettre un livre.
N'était-ce point assez qu'elle apprît à bien vivre ?