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                     TABLEAU DE LYON EN 1786.                              311
besoin de plaire, sentiment naturel à leur sexe, et qui relève
le prix des autres vertus quand il est, comme ici, contenu
dans les bornes de la décence.
    Les ménages y sont très unis, et l'on n'y connaît point
cette classe de femmes désignées à Paris par un nom qui leur
convient moins qu'à toute autre; dont les pièges, sans cesse
tendus à la jeunesse et à l'opulence, cachent les plus odieuses
manœuvres; qui n'existent que par l'artifice, ne vivent que
 par le crime, et dont la corruption est portée au degré où
 elle cesse d'être dangereuse par l'excès môme de son au-
 dace. S'il en est ici quelques-unes, elles rendent hommage aux
 mœurs, soit en se cachant sous le voile de la plus profonde
 obscurité, soit en tâchant de se faire prendre pour les épou-
 ses de ceux dont elles ne sont que les concubines. Ces efforts
 ne vous semblent-ils pas une victoire de la vertu sur le vice ?
     Le luxe a fait ici, comme ailleurs, de très grands progrès.
 Mais c'est plutôt un luxe de commodité que d'ostentation. Je
 connais des villes où la table est sacrifiée à la parure ; où,
 pour me servir d'une de vos expressions heureuses et pitto-
 resques , l'on jeûne pour avoir du galon. A Lyon, chacun
 est vêtu avec beaucoup d'élégance ; les classes même les
 moins opulentes de la société s'annoncent par un extérieur
  très séduisant, et ce coup d'œil plaît à l'étranger dont les yeux
  ne se reposent que sur d'agréables objets. Mais l'éclat de la
  garderobe ne nuit point ici à la solidité de la cuisine. Les tables
  y sont servies avec abondance et délicatesse (1) : les maîtres

   (i) On raconte que Mercier, l'auteur du Tableau de Paris ( d'autres disent
 M. Grimod de la Reyniere), étant à Lyon depuis quelque temps, et parlant
 des dîners auxquels il avait été invité, dit j'en suis à mon trente-troisième bro-
 chet. Il faut connaître les usages de notre ville pour comprendre ce mot vrai-
 ment caractéristique, il faut savoir que dans tous les grands repas qu'on y don-
 ne, on est sûr de voir figurer, comme plat principal, un brochet du Rhône.
    Mélanges biographiques et littéraires, par M. Breghot du Lut, p. 12g.