page suivante »
\Ã8 ' CHARLKS. entrer que l'on réussit à l'y faire admettre. L'enfant malade n'eût point la patience d'attendre une complète guérison. Saisissant ses béquilles il s'en alla gaiement prendre sa place et commencer cette série d'émotions qui devait le conduire par degrés à la folie, puis enfin à la mort. Le jeune Charles aspirait au grand art de peindre, car la peinture pour lui résumait tous les arts, et bientôt, grâce à de rapides progrès, il fut autorisé à prendre en main la palette. Voilà donc qu'un beau matin il se met en route pour aller acheter une boîte à couleurs. Une boîte à cou- leurs ! précieux petit meuble plus caressé mille fois que le coffre où l'avare enferme son or, que la cassette élégante où la femme à la mode cache sa correspondance amoureuse. Tout nouveau peintre le porte partout avec soi, le couve des yeux, se promène partout avec lui tant que dure cette déli- cieuse fièvre du premier bonheur ; car il lui semble que de la boîte divine vont sortir, à son gré, la fortune, la gloire, les enivrantes amours, toutes les félicités du monde réel et du monde idéal. L'atelier du statuaire Chinard se trouve sur le passage de Charles, pourrait-il passer si près sans entrer serrer la main à de bons, de joyeux camarades ? non, n'est- ce pas d'ailleurs une belle occasion d'épancher avec eux lheureux trop-plein de son cÅ“ur? Ils sont là , les uns mo- delant d'après l'antique, d'autres faisant éclore, du fond d'un bloc de marbre, le sein d'une déesse ou le front d'un héros. Vite les discussions s'engagent et, comme de raison, c'est l'art qui en fait les frais. Age couronné de fleurs, véritable âge d'or. La froide expérience ne discipline point encore l'essor de l'imagination; les plus aventureuses témérités, alors, louchent à l'avenir par quelques points ; les plus vives querelles viennent s'éteindre dans une insoucieuse fraternité, mais non sans laisser de secrètes traces de leur passage. Discussions bien inutiles en apparence, car nul ne s'y avoue