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84 COURS DE LITTÉRATURE ANCIENNE.
Peut-être ! Et c'est, l'homme le plus judicieux de son temps
en matière de goût qui articulait ce peut-être là . Faut-
il que les chaîne1! de l'habitude soient difficiles à rompre
et garottenl fortement les esprits les plus vigoureux ! Mais,
comme je le disais lout-à -ri'enre, nous marchons déci-
dément dans une meilleure voie. Je cherche aujourd'hui
ces beaux esprits qui ornaient tous leurs ouvrages de cen-
tons grecs et latins, ces avocats et ces prédicateurs qui e n -
trelardaient tous leurs discours de vers d'Horace ou de
Virgile, et je ne trouve plus que des écrivains et des a-
vocals qui écrivent et parlent bonnement et simplement
dans la langue de tout le monde, et des prédicateurs qui
s'oublient jusqu'Ã faire du romantisme. Connaissez-vous,
dites-moi, à l'heure qu'il csl, un helléniste qui puisse se
vanter d'avoir entendu les femmes s'écrier à son approche:
— Du grec ! ô ciel ! du grec ! il sait du grec, ma sœur !
— A h ! ma nièce, du grec! — Du g r e c . . . quelle douceur!
— Quoi! Monsieur sait du grec ! A.h ! permettez de grâce
Que pour l'amour du grec, Monsieur, on vous embrasse !
Si on embrasse aujourd'hui ceux qui savent le grec. ;i
coup sûr ce n'est pas pour l'amour du grec qu'on le fait.
Convenons-en donc, il y a loin du temps où l'helléniste
P. L. Courrier a composé des pamphlets si spirituels, et où
les hommes les plus passionnés pour l'antique ne dédaignent
pas toujours la lecture de Brillât-Savarin à celui où Mmo Da-
cier lançait contre Lamolte de gros et lourds volumes, et,
de concert avec son digne époux, allait à travers in-quartos
et in-folios à la conquête du brouet noir de classique mé-
moire, et en mangeait au risque de s'empoisonner.
11 n'est pas surprenant, d'ailleurs, qu'en littérature comme
en tout le reste, le monde moderne ait. fini par s'affranchir