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372 sait seulement de lui susciter des ennemis, de lui attirer quelque fâcheuse affaire, qui fit de l'éclat, du scandale, qui pût l'avilir aux yeux du public, et de nouveaux couplets, bien pleins de fiel et de saletés , dans lesquels on compromettrait les noms de gens chatouilleux, peu disposés à souffrir la raillerie, furent regardés comme le meilleur moyen à prendre pour arriver aux fins qu'on se proposait. Mais encore, quel est donc le poète qui a tenu la plume? Parmi les poètes ennemis de Rousseau qui fréquentaient le café de la veuve Laurent, Autreau nous paraît un homme bien capa- ble d'avoir rempli ce lâche ministère. Autreau, comme on l'a déjà vu , était coupable envers Rousseau d'une complainte diffa- matoire et calomnieuse au plus haut point ; avec le Caractère haineux et farouche qu'il avait, jamais rapprochement entre lui et Rousseau n'a dû être possible: pourquoi donc ne serait-il pas permis de le soupçonner d'avoir aidé Lamotte et Saurin dans leurs projets ? Ce qui justifie ce soupçon, c'est l'impossibilité où l'on est de reconnaître que Rousseau ait p u , de gaîté de cœur , se peindre lui - même de couleurs aussi révoltantes que celles qui sont employées dans le premier des quatorze couplets incrimiris; c'est la singulière analogie qui existe entre le dernier de ces couplets et le huitième couplet de la fameuse complainte , où tout le monde peut voir que le démon coupletgor joue un rôle égal dans l'un comme dans l'autre. Ce soupçon est encore fortifié par le style habituellement incorrect et négligé du poète Autreau , et si maintenant on veut ajouter à toutes ces présomptions qu'un tel homme , sans ordre, sans conduite, gueux comme un peintre, si gueux qu'il mourut à l'Hôpital des Incurables, pouvait bien, moyennant quelque pour-boire, se prêter à la machination de Lamotte et de Saurin, on aura très-probablement trouvé la clé de tout le mystère. A présent, si l'on demande, avec Voltaire, pourquoi Boindin, persuadé de l'innocence de Rousseau, a tardé si long-temps à la faire connaître, nous répondrons que Boindin, également pris à partie dans le procès contre Saurin, quoiqu'il fût étranger à toute l'intrigue, dut naturellement garder la neutralité, même après avoir été mis hors d'accusation. D'un autre côté } il ne lui