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NOTES D'UN PROVINCIAL 363 bien que l'élégance aristocratique du personnage, et ce n'était pas, hélas ! tout Talleyrand ; puis, on y peut soup- çonner les teintes blafardes qui, avec une certaine grâce froide et raide, constitueront fâcheusement la manière propre du peintre. Le portrait de Mme Copia m'a paru bien meilleur; le modèle ici était moins profond et Prud'hon n'a eu qu'à être lui-même pour le pénétrer et le rendre. David aussi brille surtout par les portraits. Ce n'est pas la faute des dimensions du Sacre de Napoléon, mais en vérité cette grande machine est aussi froide que vaste, ce qui est beau- coup dire; les personnages s'y tiennent figés dans une immobilité désagréable, et invraisemblable même à un moment aussi solennel. Combien je préfère à cet immense étalage officiel le groupe du conventionnel Gérard et de sa famille, un peu étalé, lui aussi (on ne peut pas demander l'impossible à David), mais vivant et vrai. J'aime encore mieux que ce groupe Mme Récamier toute seule, et cette grâce d'adolescente en une jeune femme, que Gérard n'a pas su rendre aussi bien, dans une œuvre d'ailleurs plus achevée et fort belle. Il y a là de quoi racheter bien des Bélisaire, et tous les Horaces du monde. Toutefois, le magnifique Général comte Fournier-Salovèze, de Gros, et encore plus, le portrait équestre de M. Dieu- donné, lieutenant aux Guides de l'Empereur, de Géricault, annonçaient dès 1812 au maître, que ses élèves allaient comprendre la peinture autrement et mieux que lui. Cette dernière toile (1), que le temps, par une sorte de compen- sation bien due à un génie emporté si tôt, a déjà revêtue d'une chaude patine mordorée, n'a pas eu de peine, étant (1) Elle est appelée communément l'Officier de chasseurs.