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                  LETTRES DE MADAME DE STAËL.                   417

 et il prétend que N        (1) l'est aussi. Je lui ai développé mou
 idée sur votre jeu, sur cette réunion étonnante de la régularité
 française et de l'énergie étrangère. 11 a prétendu qu'il y avait
 des pièces classiques françaises, où vous n'excelliez pas encore ;
 et quand j'ai demandé lesquelles, il n'a pu m'en nommer. Mais
 il faut qu'à Paris vous jouiez Tancrède et Orosmane à ravir ;
 vous le pouvez, si vous le voulez. Il faut prendre ces deux rôles
 dans le naturel : ils en sont tous deux susceptibles, et, comme
 on est accoutumé à une sorte d'étiquette dans la manière de
 les jouer, la vérité profonde en fera de nouveaux rôles. Mais je
 ne devrais pas m'aviser de vous dire ce que vous savez mille
 fois mieux que moi ; il est vrai pourtant que je mets à votre ré-
 putation un intérêt personnel. Il faut que vous écriviez ; il faut
 que vous soyez aussi maître de la pensée que du sentiment ;
 vous le pouvez, si vous le voulez.
    « J'ai vu Mme Talma après votre dernière visite. Sa grâce pour
 moi m'a profondément touchée : dites-le lui, je vous prie. C'est
 une personne digne de vous, et je crois louer beaucoup, en di-
 sant cela. Quand vous reverrai-je tous les deux? Àh! cette
 question me serre le cœur , et je ne peux me la faire sans une
 émotion douloureuse. God bless y ou, and me also (2). Je vais
 écrire sur l'art dramatique, et la moitié de mes idées me vien-
 dra de vous. Adrien de Montmorency, qui est le juge souverain
 de tout ce qui tient au bon goût et à la noblesse des manières ,
 dit que Mme Talma et vous, vous êtes aussi parfaits dans ce
 genre. Toute ma société vous «st attachée à tous les deux. On
raconte mes hymnes sur votre talent, par la ville, et Camille (3)
m'en a raconté à moi-même que j'ai trouvé pindariques, mais
je ne suis pas Corinne pour rien, et il faut me pardonner l'ex-
pression de ce que j'éprouve. Le directeur des spectacles est
venu me voir après votre départ, pour me parler de vous. Je lui
ai su gré de si bien s'adresser. Sa conversation était comique ;

  (i) Napoléon?
  (i) Dieu vous bénisse, et me bénisse aussi !      ,
  (3) Camille Jordan.
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