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                       SUR L'ABBÉ BONNEVIE.                        331
 duisant, et en même temps de plus simple et de plus pathétique
  sur la scène théâtrale. Sans doute l'orateur lyonnais, avec ses
  gestes, avec les mouvements gracieux de son corps, avec le
 jeu de sa noble figure, parlait puissamment à l'œil de son audi-
 teur, mais il était encore bien loin de l'effet produit par le premier
 tragique de France et même de l'Europe sur les spectateurs
 étonnés, et nous ne croyons pas que jamais l'abbé Bonnevie ait
 eu la pensée de traduire dans la tribune sainte les impressions
 fortes, puissantes et trop profanes d'un déclamateur de théâtre.
 Son action, il est vrai, était grandiose, mais elle était naturelle;
 c'est pour cela qu'on la remarquait et qu'elle impressionnait
 davantage. Que Ton mette ses discours dans la bouche d'un
 prédicateur à courte taille, d'un homme calme dans son débit,
 d'un homme dont l'action est pour ainsi dire morte et sans vie,
 vous n'aurez que des phrases sans expression, vous fatiguerez
 l'auditeur, vous ne frapperez ni son esprit, ni son imagination ,
 ni son cœur. Il fallait les grands gestes de l'abbé Bonnevie
 pour soutenir ses grandes phrases et ses longues périodes qui
 ne s'harmonisent qu'avec lui.
    Fut-il davantage l'imitateur de Chateaubriand? Nous ne le
pensons pas. Il nous a laissé quelques discours écrits, avant
que le prince de la littérature française nous eût donné son
Génie du 'Christianisme; l'Eloge, par exemple, de Bayart, et
nous y retrouvons la même facture, le même style, les mêmes
 défauts et les mêmes qualités que l'on signale dans ses discours
subséquents. C'est toujours l'orateur presque prétentieux, l'am-
plificateur fécond, et si on devait lui trouver un modèle, il fau-
drait aller le chercher dans l'académicien Thomas, plutôt que
dans tout autre. On peut dire de l'abbé Bonnevie ce que Chamfort
disait, nous ne savons plus de qui : //• s'est noyé dans son talent.
    Cependant on trouve dans les discours de l'abbé Bonnevie des
pages vraiment éloquentes et qu'un maître dans l'art de la parole
ne désavouerait pas. Dans son sermon sur la Croix, par exemple,
où il en montre la gloire et la puissance, après avoir raconté et
les leçons et les bienfaits qui en découlent, s'élevant avec force
contre la manie irréligieuse des riches qui relèguent la Croix