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86 TABLEAU DE LYON. part, il n'existe assurément une alliance aussi intime qu'en elle, entre le négoce qui fait sa fortune et les arts qui font sa gloire. Et pouvait-il en être autrement dans cette auguste cité aux merveilleux alentours, où la majesté des masses si largement et si noblement profilées, fait oublier les vices des détails ; où l'ordonnance générale la plus solennelle, l'immense variété de lignes et d'aspects, le mélange unique de collines paysagées et verdoyantes, de sites abruptes, pittoresques, et d'habitations, forment le pins étrange panorama ? Pouvait-il en être autrement dans cette ville de Lyon, dont l'histoire se révèle à chaque pas par des monuments du plus grave caractère, soit dans ces rues tortueuses et noires où revivent les alignements arbitraires du moyen-âge, soit dans ces allées voûtées, obscures, froides, hu- mides , qui rappellent les catacombes romaines, soit sur ces quais bâtis à l'italienne, inondés de lumière et de vie ; avec une population qui, malgré cet incessant mélange de nationalités et de mœurs diverses que tant de courants amènent chaque jour dans son sein, a gardé son vieux type avec une si religieuse per- sévérance, et semblé unir dans son cœur et son esprit la piété raisonnée du Nord et la foi instinctive, ardente, toute poétique du Midi, sous l'influence de ce culte incroyable qui, des basili- ques de Lyon, passe dans le sanctuaire domestique des famil- les ? Oui, cette race lyonnaise est vraiment au moral comme au physique une race à part, qui n'a rien de commun avec celles des régions septentrionales de la France. Ce qui distingue surtout cette population, c'est son caractère réfléchi et éminem- ment sérieux ; c'est cette alliance constante dans sa vie des trois conditions morales, indispensables à la félicité : l'esprit de fa- mille, l'esprit d'économie, de règle, d'ordre, et l'esprit de tra- vail. Nulle n'est mieux disciplinée, n'a un génie communal et fraternel plus fortement trempé ; nulle n'a plus d'horreur pour l'invasion des idées étrangères, les innovations, les apparences trompeuses, le charlatanisme ; nulle n'a plus de conscience et de foi, nulle n'a un amour plus inflexible pour son berceau, et un esprit public local plus prononcé, sauvegarde du patrio- tisme national. Le type du Lyonnais pur-sang se retrouve en-