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i68                      LA REVUE LYONNAISE

final, la conversion du capitaine, dont le scénario, comme dirait un
feuilletoniste de théâtre, est tout indiqué. Un jour Pierrette, un peu
rouge, bien que confiante, a dit au capitaine qu'elle devait faire sa
première communion. Le capitaine n'y a pas vu d'objection; car la.
première communion, c'est réglementaire. Le moment approchant,
il s'est occupé de la toilette; car le livre, le cierge, la robe blanche,
le voile, c'est la tenue. Il est allé faire une visite au curé; car c'est
convenable; le curé étant censément le capitaine qui commande la
première communion. Il a été émerveillé d'être si bien reçu. « C'est
étonnant, disait-il en sortant, ce curé là n'est pas comme les autres. »
Le jour de la cérémonie, le capitaine Mercadier, qui, comme le
FalstafF de Shakespeare, ne savait plus comment était fait le dedans
d'une église, a accompagné sa fille adoptive; là encore sa présence
était réglementaire. Il ne s'est pas converti, c'est incontestable;
mais on l'a vu pleurer. Depuis il salue le curé et fait avec lui dans
la rue un bout de causerie. Au mois de janvier, avec une diplomatie
toute cléricale, le curé lui a fait une première visite, que le capitaine,
un peu confus, a rendue avec empressement; il y a goûté, non
sans éloges, l'eau de noix traditionnelle que toute servante de curé
sait faire de ses dévotes mains. Capitaine Mercadier, vieux buveur,
vieux jureur, vieux joueur, capitaine, prenez garde à' vous. Le fruit
n'est pas encore mûr, il est vrai, mais je vois d'ici qui s'apprête à le
cueillir.
   Mais un tel dénoûment ne peut figurer en un feuilleton destiné à
des lecteurs parisiens, et un directeur de journal, soucieux des élo-
ges du public le plus éclairé de l'univers, le renverrait, avec un hausse-
ment d'épaules, à la Semaine religieuse du diocèse de Saint-Flour.
Pourtant cette fin, réputée niaise, a été esquissée par Coppée lui-
même. Il a évoqué une fois le grognard, le rude sergent qui défen-
dait la discipline et le drapeau comme un dogue protège la basse-cour;
vieil endurci de l'exercice, vieux pilier de la cantine, mais qui avait
le sentiment de l'honneur et le sens de l'immolation au devoir,
deux germes féconds, d'où peuvent, à un moment donné, éclore
toutes les grandes choses. Cette figure rébarbative disparaît de notre
année, dont elle ne faisait peut-être pas l'ornement, mais dont elle