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                    FRANÇOIS COPPF.E ET SES ŒUVRES                    165

bitudes, d'affections, je vis indemne au milieu de ces miasmes; vous-
même, avant de respirer cette atmosphère, examinez si vous êtes
assez fort pour y résister. Voyez plutôt ce monde du théâtre, qui
vous enchante chaque soir; je vais vous le montrer, dans un Enterre-
ment dramatique, tel qu'il est dans les mille incidents de la vie
privée, laid, vulgaire, cupide, et, quand il se souvient par hasard de
ses hautes prétentions, passablement ridicule. La carrière d'auteur
ou d'artiste fait battre votre jeune cœur, lisez la Légende du manus-
crit, et contemplez les sacrifices humiliants, les accointances hon-
teuses auxquelles vous êtes presque fatalement condamné. » Notre
auteur n'est point cependant un moraliste sévère. Tel de ses récits,
l'Ouvreuse par exemple, ou le joli conte intitulé une Idylle manquée,
nous fera entrevoir, avec une suprême indulgence, ce que le cœur,
prenant dans les vicissitudes de ces existences orageuses la revanche
de tant de défaites de la vertu, peut réveiller de délicatesse ou de
dévouement dans ces âmes plutôt simplement éclaboussées de la
fange qu'elles côtoient que foncièrement perverties.
   11 est d'ailleurs une chose faite pour plaire dans ces récits, c'est la
profonde connaissance que possède l'auteur, je ne veux point dire
de cette ville, mais de cette contrée qu'on nomme Paris. Tous ceux
qui ont, en effet, pratiqué la capitale savent qu'en dépit des habitudes
nomades de ses habitants, chaque quartier, quelquefois même, dans
les régions un peu reculées, chaque rue est une ville spéciale, avec
sa physionomie, ses célébrités locales, ses mœurs, ses petites pas-
sions. Une jolie page de Coppée nous fait connaître le grand premier
rôle du théâtre de Grenelle, très admiré, très populaire entre les
 casernes de l'Ecole militaire et l'usine de Javel, inconnu dès qu'on
 aborde l'Esplanade des Invalides, ( i ) Une page plus jolie encore
 nous dépeint la première communion dans la rue Rousselet, trou-
 blée dans sa solitude traditionnelle par le va-et-vient des fillettes en
 robes blanches, au grand scandale du savetier radical, qui, en fumant
 sa pipe dans son échoppe, maugrée contre ces pratiques qui avilissent



  (1) Une Idylle manquée.