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466 LA R E V U E LYONNAISE de soixante, sous la direction d'un évêque in partibus, abbé géné- ral, s'adonnent à l'éducation de jeunes Arméniens. Nous fûmes parfaitement reçus par un père parlant le français. La bibliothèque est fort curieuse; elle possède 1.500 manuscrits arméniens, la plupart inédits. Citons : l'Evangile ayant appartenu à une reine d'Armé- nie, il a environ mille ans de date ; l'Histoire fabuleuse d'Alexan- dre le Grand, avec peintures (treizième siècle) ; les Quatre Evan- giles, in-folio (précieux par ses miniatures) du septième siècle, etc.; une belle Bible arménienne in-quarto (écrite et peinte, du onzième au douzième siècle), pour l'usage du roi d'Arménie. Au rez-de-chaussée, une imprimerie destinée à la publication délivres arméniens, bel établissement qui fait honneur aux pères. Nous avons remarqué un curieux volume sorti de leurs presses. Il con- tient une prière transcrite en vingt-quatre langues. Lord Byron a travaillé dans sa jeunesse au couvent des Arméniens. Le père qui nous conduisait nous en parla longuement comme d'une gloire dont cette maison s'honore à juste titre. Je me rendis ensuite, toujours dans mon sandolo, à l'île de Mu- rano, où l'on trouve une fabrique d'État pour le verre. Ce fut à la fin du douzième siècle que les travaux de Murano prirent leur plus grande extension. Le monde entier devint tributaire de cette habile fabrication des verriers vénitiens. C'est encore l'industrie de la verrerie qui soutient Venise de nos jours. De Murano, je poussai jusqu'à Burano, dans une autre île, où vit une intéressante population de pêcheurs aux types accentués, beaux et sévères. J'eus la curiosité d'aller voir l'île de Torcello, une des plus inté- ressantes de l'archipel vénitien. L'église principale est un des types les plus curieux de l'art byzantin des premiers siècles. J'avais avec moi un guide peu expérimenté. Or, celui qui ne connaîtpas les passages delà lagune, peut aisémentse perdre. Mes deux gondoliers n'étaient guère plus habitués que lui à ces prome- nades du côté de Burano. Il était cinq heures du soir ; nous nous perdîmes dans la lagune! La nuit arriva. Sans m'effrayerde cette mésaventure, je remarquai qu'il y avait des pieux enfoncés dans l'eau, émergeant d'un mètre au-dessus. Ces pieux, appelés pâli, ser- vent de conducteurs; car les trois quarts des passages de la lagune