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TENTATION 579 Ce chemineau, braconnier et pêcheur, beau gaillard, agile et vigoureux, pauvre mais vaillant, qui vit au jour le jour, sur la grande route, couchant à la belle étoile et passant d'une ferme à l'autre, toujours insouciant et gai. . . c'est la Force, et c'est aussi le Rire et la Joie, inconnus hélas, dans sa vie monotone ! Certes, son Claude est un bon mari, laborieux et doux, sage et prudent, et ce serait lui faire mortelle injure que de lui comparer l'autre ! Mais, son mari, son maître d'aujourd'hui, elle ne l'a jamais aimé. Elle l'a épousé parce qu'ils étaient cousins, que de bonne heure on les destinait l'un à l'autre, et qu'ainsi, par un calcul involontaire même, on réunissait à nouveau les quelques lopins de terre que les vieux avaient fraternel- lement partagés. Mariage de convenance, mariage de rai- son, où l'amour n'avait que faire ! Et puis, Claude est chétif, triste, déjà vieux, souvent silencieux et soucieux, bourru même quelquefois ; elle, au contraire, elle est gaie, jeune, pleine de vie, insouciante, avenante. . . comme Lui ! Oui, mais céder à cet homme, écouter ses paroles enjô- leuses, quitter le mari et l'enfant, pour suivre les pas d'un aventurier. N'est-ce pas de la folie ! Car c'est sûrement la misère, et'— la honte aussi ! — Et plus tard encore ?. . . A cette pensée du châtiment suprême qui l'attend, après une vie misérable, surtout méprisable, Virgine sursaute, regarde avec terreur les flammes qui dansent devant elle, grimaçantes et hideuses... Il lui semble qu'elles vont l'en- tourer, l'enserrer, l'étouffer !, . . Oui, oui, elle serait d a m n é e . . . damnée !. . . Virgine se dresse d'un bond, et recule précipitamment jusqu'au fond de la pièce. Comme au saut d'un rêve affreux,