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328                    JOANNY DOMKR

Domer, souriant, serrait avec joie la main qui se tendait
 vers lui.
    « — Excusez-moi ! Je cherchais une idée !. . . »
    Et la conversation s'engageait, pleine de ce charme par-
ticulier, de ces souvenirs précieux, bourrée d'une érudition
que Domer semblait chercher toujours à se faire pardonner,
et qu'il n'avait pu acquérir qu'au prix d'un travail acharné,
opiniâtre, puisque rien, dans son éducation première, ne
le prédestinait à cette carrière.
   Si vous aviez vu ces chefs-d'œuvre, vous les apprécieriez
comme moi!
   C'est en voyageant à travers l'Italie que Domer avait
récolté cette abondante moisson de souvenirs si pittoresques
dont il savait faire goûter tout le charme à ses amis. Car
c'était bien le causeur le plus exquis, le conteur le plus
captivant que j'aie connu, et je n'oublierai jamais les heures
passées souvent avec lui, en compagnie de nos amis Des-
vernay et Paul Bertnay, sur la terrasse du restaurant Gay,
devant ces merveilleuses collines de la Saône qui semblaient
inspirer l'artiste et le poète.
   Domer était, en effet, un poète autant qu'un artiste; un
poète, c'est-à-dire un penseur épris du beau, de l'idéal; il
était aussi un érudit, et rien de nos grands génies de la
poésie antique ne lui était inconnu. Il causait d'Aristophane
ou de Pindare, d'Homère ou d'Eschyle sans fatuité, char-
mant toujours, ne s'imposant jamais; et Domer souriait
avec ses bons yeux vifs, ses grosses lèvres lippues, tandis
que son pouce s'enfonçait machinalement, avec un mouve-
ment particulier, dans la cendre de son inséparable pipe.
Jamais une critique acerbe, jamais un mot désobligeant à
l'adresse d'un confrère; mais, au contraire, l'excuse indul-
gente et l'encouragement généreux.Tel était Domer intime,