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444               LETTRES D'HIPPOLYTE FLANDRIN

 Mais vraiment, comme document, celui-ci est complet et
 bien près du mouvement et de l'effet qu'il me faut (9).
    Comment se fait-il donc que depuis si longtemps je ne vous
 ai rien dit? C'est que je suis tombé malade, que ma pauvre
femme m'a suivi de près et vient de subir une de ces crises
longues et bien cruelles qui la fatiguent tant; c'est que
Paul et Aline ont eu leurs trois enfants malades'à la fois
de la rougeole et que celle de la petite fille aînée a été sui-
vie de complications graves. Ça va mieux maintenant, mais
leurs deux familles restent encore toutes froissées et fati-
guées de ces longues épreuves. Il y a quelques jours, nous
voulions partir pour la campagne et nous y établir, mais
saint Médard y a mis son veto. On ne quitte plus les para-
pluies, et comme la maison d'Auteuil est mince comme du
papier, les rhumatismes n'osent pas se risquer.
    Vous, chers amis, comment allez-vous? Mme Lacuria,
dans sa dernière lettre, nous disait que son mari allait
mieux, mais elle avait été, et était encore souffrante. Bien-
tôt, n'est-ce pas ? répondez-nous à cette question.
    Depuis plus d'un mois déjà les journaux vous parlent de
l'exposition. Je voudrais bien pouvoir vous en donner une
idée, mais c'est difficile. Il n'y a presque plus que de la
peinture de genre, et on y trouve de charmantes choses,
beaucoup d'esprit et même de sentiment! Des paysages
qui nous montrent certainement dans leurs qualités de cou-
leur et d'aspect, une face de la vérité qui a bien son prix,
mais qui, à mon sens, n'est que secondaire. Le côté de la
forme est de plus en plus négligé, et cependant la physio-
nomie, le caractère et le sens moral des choses sont de son


  (9) Il s'agit d'un portrait de Lacuria que Flandrin voulait faire figurer
dans une de ses compositions de Saint-Germain-des-Prés.