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LAURENT MEILLET DE MOOTESSUY 397 Laurent Meillet est cependant un écrivain dans le vrai sens du mot, non pas que son style soit vraiment « beau et élégant, » le peu qu'il nous est permis d'en juger à dis- tance ne nous autorise pas à le confirmer. Mais le pitto- resque de l'expression, l'allure de la phrase et la manière toute personnelle d'envisager les choses et les gens rendent très attrayantes bon nombre de pages. Il a cependant les défauts de son temps, peut-être même un peu exagérés, les phrases sont alourdies par des incidentes trop nombreuses, les longues parenthèses en renferment d'autres; quelquefois enfin, des obscurités arrêtent le lecteur obligé alors de traduire plutôt que de lire. Malgré tout cela, l'originalité de l'auteur subsiste. Le mot propre faisant image vient facilement sous sa plume, pour le montrer nous ne voulons citer que ce passage sur la mauvaise habitude que l'on a de juger les gens sur la mine (43) : « Je confesse bien que ce n'est pas à tous de cognaistre la différence des hommes, parce que comme aux ignorants de la musique un vaul de ville donne plus de plaisir qu'une madrigalle ou un mottet, et ceux qui n'entendent pas la pourtraicture font plus de cas d'un marmouzet de piastre barbouillé de couleurs que d'un excellent dessein d'illumi- neure : ainsi plusieurs font jugement des hommes par la pompe visible et apparence de l'habillement ou de porter l'espée droicte, le pennache à la renverse et le chappeau à la mutine. » C'est un personnage de Jacques Cahot, que ce capitaine portant l'épée droite et le panache renversé sur son chapeau à la mutine. (43) Éd. 1618, fag. 00.