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                         DE L'ABBAYE D ' A I X A Y                       289

le produit loin du cloître trop sévère pour leurs habitudes d'opulence
et de plaisir. C'est le temps de ces abbés italiens, fastueux, mondains,
élégants, lettrés, amis du luxe et des beaux-arts, mais dans un sentiment
bien éloigné de l'esprit chrétien. Ils ne viennent dans leur abbaye que
pour y recevoir les princes. Le monastère devint un palais où les mœurs
faciles de la cour, au xvi e siècle, se donnent librement carrière.
François I er y loge avec la duchesse d'Etampes et leur hôte, un abbé,
s'évertue d'égayer, par des propos grivois, le roi et sa maîtresse.
   Que deviennent au milieu de tout cela les religieux ? Echappent-ils
à ce contact démoralisateur? Les annales du monastère ne nous l'ont
pas appris. On constate, il est vrai, que le goût des arts s'y était per-
pétué; un prieur claustral, Balthazar de Thueres, y installa des presses
et ornait leurs produits de gravures dont l'exécution marque une ini-
tiative et un progrès remarquables dans la xylographie. Mais on constate
aussi un effet déplorable de l'état auquel les prodigalités des chefs avaient
réduit les finances du monastère. C'est par le commerce des choses saintes
que l'on essaie de réparer le déficit : alors éclosent les fausses traditions,
les légendes mensongères, les saints apocryphes ; les châsses se rem-
plissent de reliques fantastiques, et l'audace va jusqu'à exposer sur les
autels des ossements profanes ! Que l'on s'étonne, après cela, de la
Réforme et de ses sanglants excès. La main de Dieu s'était appesantie
sur son peuple coupable, il déchaîna les soldats du baron des Adrets !
Le sacrilège armé punit le sacrilège hypocrite et les fausses reliques
furent balayées, mais hélas ! avec les plus beaux de nos monuments.
   Cette terrible leçon fut impuissante à rendre à l'abbaye d'Ainay sa
piété primitive, elle était morte.
   La sécularisation était devenue inévitable. Un seul religieux pro-
testa, sa voix ne fut pas écoutée. Ainay ne garda d'abbaye que le nom
comme une étiquette vaniteuse ; les moines devinrent des chanoines
qui devaient faire preuve de noblesse, preuves modestes du reste, qui
ouvraient la porte aux plus récents anoblis. La Révolution n'avait là
rien à détruire, elle n'avait qu'à hériter.
   Et voilà comment d'admirables institutions qui avaient eu sur le
développement de la civilisation une action si décisive et si bienfaisante,
s'étaient corrompues tout à coup. Vainement réformées, réorganisées,
rappelées à leur principe, elles n'avaient cessé de dépérir et étaient
devenues le figuier stérile condamné par la sentence évangélique. Un