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t/\ 8                      ORGUEIL
    « Mon ancêtre avait bien supposé que le bon seigneur
 venait lui communiquer une idée qui lui trottait, rapport
 aux Anglais, mais il ne s'attendait guère à être réveillé à
 pareille heure, par cette froide nuit d'hiver, pour avoir à
 répondre à telle question. Il crut que M. du Fossat battait
 un peu la berloque, vu qu'il était déjà sur l'âge, le pauvre
  cher homme, et, à tout hasard, pour ne pas trop le contra-
 rier, sans trop comprendre, il sourit jusqu'aux oreilles.
     « — Ah ! farceur, fit le baron joyeux, c'est bon! ne te
 brouille pas avec madame, nous en reparlerons demain
 j'ai une idée !
    « Durand dit à M. le baron que, du moment qu'il croyait
 ces choses, ce devait être vrai et que, pour ce qui était d'a-
 bandonner sa chère dame de cœur, il n'y avait pas songé...
 au moins encore.
    « Sur ce, M. le baron regagna ses appartements.
    « Le lendemain, mon ancêtre eut l'honneur d'avoir une
 longue conférence avec lui. En voici le résumé fidèle, tel
 qu'il a été transmis de génération en génération à votre ser-
 viteur :
    « — Or ça, Durand, mon ami, tu vas faire dire aux
 deux chevriers — Larose et le Bossu — d'amener ce soir,
 sans tambours ni trompettes, et le plus naturellement possi-
ble, toutes leurs chèvres au château. Avec une dizaine de
 nos gens, tu iras ensuite au bord de la rivière, au-delà du
 coude vers Soturac, où sont amarrés nos bateaux et, à tra-
vers la plaine, vous les traînerez jusqu'ici, à quelques cen-
taines de pas en amont d'Orgueil.
    « Le piqueur écoutait ces instructions la bouche déme-
surément ouverte et, plus qne jamais, il achevait de se
convaincre que le pauvre cher seigneur avait perdu l'esprit.
Il n'y avait pas, en effet, la moindre corrélation entre les
ordres donnés et l'interpellation de la nuit.