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DEUX MOIS EN ESPAGNE £93
avoir appelés trois fois par leur nom, est fermé sur le der-
nier souverain qui l'occupe.« Christine viendra le remplacer»
me dit le gardien ; c'est son droit, car elle est roi et reine ;
il faisait très froid sous ces voûtes, inondées encore, il y a
peu de temps, par les eaux pluviales des toitures que l'on a
eu beaucoup de peine à détourner; je me hâtai donc de les
quitter pour la bibliothèque, belle salle de marbre qui con-
tient quelques manuscrits précieux ; j'y vis une magnifique
bible du dixième siècle, presque aussi belle que celle de
Charles-le-Chauve, Ã Paris, mais dont les miniatures ont
cependant moins de finesse ; un magnifique alcoran enlevé
aux Turcs, à Lépante, etc.
L'église est très riche, quoique peu ornée dans ses nefs;
les autels, les statues de bronze doré des souverains, les
marbres les plus rares, et même les pierres précieuses y for-
ment une ornementation bien riche et néanmoins très sé-
vère ; j'ai été surpris surtout à la vue d'un vaste lustre tout
en cristal de roche, sur lequel sont perchés des paons de
grandeur naturelle de même matière ; il devait être une
merveille à l'époque où on ne travaillait pas le verre à fa-
cettes pour les ornements de ce genre ; la sacristie a aussi
de fort bons tableaux et d'immenses richesses qui n'ont ce-
pendant rien de bien artistique.
Le palais renferme de grandes salles de style arabe, de
très bonnes peintures italiennes, de belles tapisseries, mais
peu de meubles usuels; je vis, de plus, la fameuse chambre
où mourut Philippe II, qui me parut assez lugubre pour don-
ner envie d'essayer de la tombe comme nouvelle résidence.
Au-dessous du palais, s'étend un large jardin, sur lequel
domine la vue, ce sont des terrasses les unes au-dessus des
autres, qui contiennent des compartiments de buis taillés,
qui représentent les armes sde l'Espagne, et d'autres orne-
ments de l'époque.
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